Clipanorama #13

Chaque semaine, on vous propose une sélection des clips les plus cinématographiques du moment.

Par Quentin Moyon & Valentine Bounaud

Temps de lecture 10 min.

Pig Feet

Clip

Terrace Martin feat. Denzel Curry, Kamasi Washington, Daylyt et G Perico, Pig Feet
« The video to this song is happening right outside your window » : précédée de deux coups de feu, la phrase d’ouverture du clip de Pig Feet, le nouveau morceau proposé par Terrace Martin en collaboration avec Denzel Curry, Kamasi Washington, Daylyt et G Perico, nous rappelle sans détour que le hip-hop est avant tout une musique de lutte. Les punchlines rageuses envoyées par Denzel Curry se posent sur une production où se mêlent des accords de jazz et des arrangements plus synthétiques, comme pour faire un trait d’union entre différentes époques de la culture musicale afro-américaine. Les images, elles, qui passent du noir et blanc à un seul plan en couleur, montrent une constante à travers le temps : l’usage outrancier de la violence policière à l’encontre des minorités ethniques. Manifestations, poings levés, corps matraqués et rues envahies par les flammes… Le collage d’archives orchestré par la réalisatrice Samantha J. tend un miroir direct à l’actualité qui agite en ce moment les États-Unis suite au meurtre de George Floyd par un policier de Minneapolis. Comme une version plus brute du clip d’Alright de Kendrick Lamar, la vidéo se termine par un hommage aux victimes des violences policières. Pendant 1 mn 30, des noms défilent sur l’écran sans autre forme de commentaire. Glaçant.

Envie

Clip

Stav, Envie
Quelque part entre Philippe Katerine et Hervé, Stav, nouveau venu du label indépendant Excuse My French, propose une électro toute douce qui donne envie de bouger ses pieds frénétiquement. Avec Simon Higelin derrière la caméra, le clip ne pouvait être que loufoque et coloré, à l’image de son univers fantasque. Un restaurant, des personnages mi-homme mi-animaux, une serveuse… et Stav qui assure l’animation. Le tout nous est raconté à l’aide de deux caméras qui ont des rôles différents : l’une de qualité très cinématographique, qui filme de l’extérieur, l’autre qui fait partie de l’action, avec laquelle les personnages interagissent et qui donne des images au rendu camescope. Deux salles, deux ambiances, pour un clip qui navigue joyeusement entre pure fiction et documenteur, et dénonce au passage le harcèlement sexuel dont est victime la serveuse.

3 letters

Clip

Agoria feat Blasé, 3 Letters
Agoria, de son vrai nom Sébastien Devaud, est un producteur incontournable de la scène électronique française. Avec déjà cinq albums à son actif et une vingtaine de Maxi, l’artiste démontre à nouveau sa prolixité avec 3 Letters, un morceau pour lequel il s’est associé avec Blasé. Une œuvre aux sonorités électro-pop ensoleillées, qui détone avec le caractère plus sombre de ses productions habituelles. Quant au clip, il marque la deuxième collaboration d’Agoria avec l’Argentin Hernan Corera, après You’re not alone (pour lequel nous avions interviewé le réalisateur : https://www.somewhereelse.fr/soundtrack/hernan-corera/). Un plan fixe dans une pièce miteuse. Au fond, une femme joue du synthé, dont le rythme muet semble en décalage complet avec la mélodie d’Agoria. Au premier plan, deux danseurs mi-hipsters mi-paysans s’agitent dans la masure transformée en dancefloor, tout en essayant de ne pas écraser le chien, qui déambule allégrement dans le décor. Les personnages de cette vignette étriquée donnent l’impression d’être des automates, dont les mouvements un peu saccadés contrastent avec la voix plus langoureuse du chanteur. Cette mise en scène habile, d’une théâtralité un peu absurde à la Beckett, est presque étouffante. Jusqu’au dernier plan, qui ouvre le champ sur un paysage de montagnes désertiques. On peut enfin respirer.

Chasing Amy

Clip

TeaMarrr, Chasing Amy
TeaMarrr, c’est l’acronyme de Totally Enthused About Making Really Really Raw. « Raw » signifie cru en français, et du brut, la chanteuse américano-haïtienne nous en donne dans son nouveau morceau de pop-RnB, Chasing Amy, clin d’œil au film du même nom. Comme la comédie amoureuse réalisée en 1997 par Kevin Smith, où Ben Affleck et Joey Lauren Adams se couraient après, le clip de Chasing Amy (réalisé par James Bland) nous plonge dans le tumulte d’une rencontre. Avec un détail en plus : cette amourette-là débute et s’éteint pendant le confinement. Une histoire complètement digitale, dont les protagonistes n’auront jamais pu se voir ni se toucher pour de vrai. Entrecoupé de scènes répétitives du quotidien en quarantaine, séance de gym dans le salon ou repas qui crame, le montage en champ/contre-champ de leurs premiers échanges de SMS les montre en symbiose totale. Puis lorsque les appels téléphoniques remplacent les textos, de l’électricité s’invite sur la ligne. À la fin, le découpage ne les montre plus face à face à travers la distance, mais à nouveau isolés chacun dans sa case, les regards divergents. Plus confinés que jamais.

No Glory in the west

Clip

Orville Peck, No Glory in the West
Le « poor lonesome cowboy de la folk » Orville Peck nous dévoile avec No Glory In The West un premier aperçu de ce qui composera son nouvel EP. Au rythme des pincements des cordes de sa guitare, et devant la caméra de Isaiah Seret, le cowboy masqué nous transporte dans des terres complètement sauvages où, seul avec son cheval, il brave les défis de la montagne. Pourtant, le choix étonnant des courtes focales met moins l’accent sur les grandes étendues que sur le personnage et sa traversée ardue. Un peu à la manière de Jane Campion dans La Leçon de Piano, la mise en scène choisit de laisser la grandeur de la nature presque hors champ pour créer une sensation d’oppression, bien loin des clichés épiques de la conquête de l’Ouest. “There is no glory in the West”, surenchérissent les paroles de la chanson, dont ce clip en forme d’anti-Western est une parfaite illustration.

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