The Plot Against America

Produite par HBO, The Plot Against America, la minisérie de David Simon
adaptée du roman de Philip Roth, vient d’arriver sur OCS en France.
Une uchronie politique terriblement d’actualité, à voir de toute urgence.

Par Quentin Moyon

Temps de lecture 5 min

The Plot Against America

Bande Annonce

The Plot against America est la douzième adaptation à l’écran d’une œuvre de Philip Roth. Jusqu’à présent, la transformation des romans du géant prolifique de la littérature américaine en films (de Portnoy et son complexe en 1972 à American Pastoral en 2016) ou en obscurs épisodes télé (L’écrivain des ombres fit notamment l’objet d’un volet de la série d’anthologie American Playhouse en 1984) n’avait pas su leur rendre justice. Mais quand c’est un autre géant, David Simon, qui s’attaque à la version sérielle du Complot contre l’Amérique, la probabilité d’une réussite monte en flèche. Avant son décès en 2018, Philip Roth avait d’ailleurs donné sa bénédiction au créateur de The Wire, Treme et The Deuce, reconnaissant sans doute en lui une même quête du « grand roman américain », un même souci d’écrire pour mettre à jour le vrai visage de l’Amérique.

C’est ici le choix de l’uchronie qui permet de lever le masque. The Plot against America réécrit les élections présidentielles du 5 novembre 1940 en imaginant la victoire du héros de guerre Charles Lindberg sur Franklin Delano Roosevelt. Pacifiste jusqu’au-boutiste, le pilote du Spirit of St. Louis refuse l’entrée en guerre des États-Unis, mais les Américains sont divisés face à son ambiguïté vis-à-vis de l’idéologie nazie. Comme le roman auquel elle reste très fidèle, la série de David Simon nous invite à vivre ces événements du point de vue des Levin, une famille juive qui voit peu à peu ses libertés remises en cause.

The Plot against America devient une allégorie
politique des USA de Trump

Ingénieux mélange de faits réels et de fiction, le roman de Philip Roth, publié en 2004, pouvait alors être vu comme une réaction à la dérive fascisante de l’administration Bush après le 11 septembre. Interprété 16 ans plus tard par David Simon, The Plot against America devient une allégorie politique des USA de Trump, une œuvre inquiète de la montée actuelle des extrêmes aux États-Unis et en Europe, comme nombre d’autres uchronies ces dernières années, de The Man in the High Castle à la récente Hunters, en passant par The Handmaid’s Tale. Et si l’on met un peu de temps à se laisser prendre par cette série lente au démarrage, qui ne trouve son rythme de croisière qu’à la fin du deuxième épisode, on peut aussi y voir une illustration de la nature du drame qui s’opère.

Oppressante plus qu’haletante, The Plot against America est sous-tendue par une forme de fatalisme face au basculement sourd de la démocratie américaine vers une « dictature douce » tocquevillienne. Ce fatalisme s’incarne jusque dans la construction visuelle de la série, structurée de manière symétrique. Des élections de 1940 à celles de 1942, qui encadrent la narration, The Plot against America met en scène les même gestes – le vote dans les isoloirs – et les même habitudes – on écoute la radio jusqu’au bout de la nuit dans le même canapé pour suivre le dévoilement progressif des résultats –, sur fond d’une même musique jazz entraînante. Un bon moyen de nous crier au visage qu’on peut toujours se dire que tout va bien, mais qu’en réalité rien n’a changé.

À cette écriture implacable s’ajoute l’excellente interprétation du duo formé par John Turturro et Winona Ryder, un couple juif qui défend la politique pacifiste de Lindberg sans réaliser qu’il légitime à son insu la création d’un mouvement ségrégationniste à l’encontre de son propre peuple. Il suffit de voir apparaître à l’écran Le Procès de Kafka pour comprendre l’essence du message délivré par David Simon. Dans ses Réflexions sur la question juive, Jean-Paul Sartre décrivait Le Procès comme une métaphore de l’expérience du monde vécue par les Juifs durant les années 20, un monde absurde dans lequel l’antisémitisme et la peur de l’autre au sens large étaient devenus communs. Par petites touches subtiles, The Plot against America vient appuyer l’idée que la dictature s’installe souvent sans faire de bruit. Bienvenue en 2020.

Actuellement sur OCS

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