Zombi child – L’ennui des morts-vivants
Film théorique et parfois abstrait, le nouveau Bertrand Bonello
propose une vision différente des zombies qui ont déferlé sur la Croisette.
Explications.
Par Jacques Braunstein
Temps de lecture 2 min.
Quatre, cinq… on ne sait plus trop, films de zombies dans les différentes sélections du Festival de Cannes : The Dead Don’t Die, Atlantique, Sick, Sick, Sick et Zombi Child de Bertrand Bonello qui nous occupe ici… Cette année sur la Croisette, il fallait se coltiner la question de savoir qui incarne ces morts-vivants qui errent dans tous les recoins de Cannes – on croit même en avoir vu sur la Plage Magnum…

plongée dans un univers étrange et fascinant,
aux antipodes des habituelles séries B du genre.
Première hypothèse : le cinéma, qui continue à s’auto-fêter, et à se souvenir de sa gloire passée (chez Lelouch, Bedos, Almodovar, Tarantino…) alors que les spectateurs sont sur leurs canapés devant les plateformes de streaming, semblant bien plus se passionner pour Game of Thrones que pour Cannes si l’on en croit les réseaux sociaux … Ils ne jettent plus guère un œil à Cannes que quand Brad Pitt, Leonardo DiCaprio et Margot Robbie sont sur les marches du Palais. Seconde hypothèse, ces zombies représentent la civilisation occidentale dans son ensemble qui semble effectivement morte-vivante quand on observe Trump, Salvini ou encore Bolsonaro.
Le film de Bertrand Bonello plaide pour une troisième explication. Et si les films de zombies parlaient de… zombies ? Puisqu’il part d’une histoire vraie, celle d’un Haïtien enterré vivant qui réapparaîtra 18 ans après en expliquant qu’il a été drogué par des sorciers vaudous qui l’ont littéralement zombifié – grâce à un savant cocktail de poisons – pour le faire travailler avec d’autres de leurs victimes dans une plantation. Le film, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, suit en parallèle la vie de sa petite fille, Mélissa, pensionnaire en France et de ses copines fascinées par son histoire. Il oppose la tradition du vaudou et la pop culture zombiesque dont sont nourries les jeunes filles. Mais aussi Haïti et la France… Puisqu’elles sont élèves de la Légion d’honneur, établissement d’excellence incarnant une certaine idée de la République et de la rationalité (illustré notamment par les cours du Professeur au Collège de France Patrick Boucheron).
Zombi Child est un film austère qui tranche sur les dernières réalisations baroques de Bonello (L’Apollonide, Saint Laurent, Nocturama…) alors qu’Haïti et le vaudou nous évoqueraient, à priori, des images bien plus saturées de signes et de couleurs. Dans ce récit décousu, on peine à s’identifier aux différents personnages. Mais Zombi Child n’en reste pas moins une plongée dans un univers étrange et fascinant, aux antipodes des habituelles séries B du genre.
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