L’Œuvre sans auteur – L’Art de la guerre

Acclamé pour La vie des autres, le réalisateur Florian Henckel von Donnersmarck revient avec ce drame qui retrace sur trois décennies le destin d’un peintre allemand en quête de son identité artistique.

Par Chloé Laforest

Temps de lecture 4 min.

L’Œuvre sans auteur

Bande Annonce

Librement inspiré de la vie de l’artiste allemand Gerhard Richter, L’Œuvre sans auteur mélange habilement le drame, le récit historique et la romance. Après avoir obtenu en 2007 l’Oscar du meilleur film étranger pour La vie des autres puis signé en 2010 The Tourist (l’adaptation américaine ratée du film Anthony Zimmer), le réalisateur Florian Henckel von Donnersmarck revient ici à son thème de prédilection : l’histoire allemande, et plus particulièrement ses heures les plus sombres. Le film raconte le parcours d’un peintre du XXe siècle confronté successivement aux diktats des régimes Nazis puis communistes, avant de découvrir les règles plus insidieuses mais guère moins impératives de l’avant-garde occidentale.

En 1937, le jeune Kurt Barnet se rend à Dresde avec sa tante Elisabeth (Saskia Rosendahl) pour voir l’exposition organisée par le régime nazi sur « l’art dégénéré ». Émerveillé (contrairement aux autres) par les œuvres de Picasso, d’Yves Klein ou Chagall, le petit garçon se découvre une passion pour l’Art. Mais un jour, alors qu’il dessine tranquillement sur son bureau, il tombe sur sa tante en pleine crise de folie. Diagnostiquée schizophrène, la jeune femme est internée, puis eugénisme nazi oblige, finira ses jours dans une chambre à gaz dans un camp de la mort.

Henckel von Donnersmarck revient ici à son thème de prédilection :
l’histoire allemande

L’infâme professeur Seeband

L’histoire reprend dix ans plus tard. Kurt est étudiant aux Beaux-arts en RDA. Le petit garçon s’est transformé en un charmant jeune homme (interprété par Tom Schilling). Sur le campus, il rencontre la jolie Elisabeth (Paula Beer), qu’il préfère surnommer « Ellie » car elle lui rappelle un peu trop sa tante. Amoureux, ils entament une relation sous le regard inquisiteur du père de la jeune femme : le professeur Carl Seeband, éminent gynécologue au passé nazi. Ce dernier (qui cache un lourd secret), n’a aucune considération pour leur idylle, vouée selon lui « à l’échec ». Sebastian Koch (vu dans La vie des autres et Le pont des espions) campe ce personnage de nazi orgueilleux, froid et tyrannique, même si à certains moments il frise la caricature.

À l’Ouest, rien de nouveau ?

Bridé par la doctrine du réalisme socialiste qui lui impose une façon de peindre, constamment rabaissé par son beau-père, Kurt rêve de grandeur. Sentant le vent politique tourner, le couple s’enfuit ensemble à l’Ouest. Là, ils découvrent la liberté. Le jeune homme s’inscrit dans une école d’art de Düsseldorf où l’abstrait (et parfois l’absurde) est la norme. Perdu face à autant de liberté, Kurt se retrouve rapidement confronté à un problème existentiel propre aux artistes : la panne d’inspiration. C’est finalement guidé par son mentor, le professeur et directeur de l’école Antonius van Verten (le brillant Oliver Masucci) qu’il va réussir à réinventer son art et s’imposer aux yeux de tous comme un grand artiste.

Si l’esthétique tout en ombres et lumières proposée par Henckel von Donnersmarck reste toujours aussi soignée, c’est indéniablement le jeu d’acteur de Tom Schilling (Oh Boy ou plus récemment Generation War) qui évite au film de plonger le spectateur dans un ennui prématuré. Son regard bleu translucide donne en effet au personnage de Kurt une intensité irrévérencieuse qui contrebalance son air maladroit. La douce Paula Beer (Frantz, Le Chant du loup) trouve difficilement sa place au sein du duo Schilling-Koch alors pourtant que ses apparitions apportent un vrai vent de fraîcheur. Cette Œuvre sans auteur dure 3h10, découpé en deux parties. Et on peut se demander s’il n’aurait pas été plus judicieux d’en faire une série, tant le scénario s’y serait prêté…

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