The Third Day
Mad in Britain

Dans The Third Day, qui débarque sur OCS, Jude Law et Naomie Harris se retrouvent coincés chacun leur tour sur une île britannique à l’atmosphère cauchemardesque. Redoublant de bizarreries, la minisérie cherche à perdre son spectateur pour mieux le séduire. On a trouvé trois clés pour y comprendre quelque chose.

Par Perrine Quennesson

Temps de lecture 5 min.

The Third Day

Bande-annonce

Vous avez dit bizarre? Comme c’est étrange. Et dans le genre étrange, abracadabrant, grand-guignolesque, tout ça, tout ça, The Third Day en fait des tonnes. La minisérie signée Dennis Kelly (Utopia) et Félix Barrett cherche déjà à sortir de l’ordinaire par sa structure narrative : deux parties de trois épisodes chacune, « Summer » et « Winter », qui croisent les mésaventures indépendantes de deux personnages (joués par Jude Law et Naomie Harris) dans un même lieu (Osea, une petite île britannique isolée, seulement accessible par une étroite chaussée, immergée la majeure partie de la journée). Qu’ils soient accueillis à bras ouverts ou, au contraire, avec hostilité, les étrangers se retrouvent confrontés à une communauté au comportement inquiétant et aux coutumes flippantes, impliquant notamment des orgies nocturnes et des masques terrifiants. Plus sensorielle que narrative, multipliant les visions et les cauchemars, de préférence sanguinolents, The Third Day intrigue… autant qu’elle déçoit. La série se rêve en expérience immersive à vous retourner le cerveau, mais ne s’éloigne jamais très loin des chemins balisés, et finit par faire aussi peur qu’une maison hantée où l’on aurait rallumé les lumières. Alors, passé l’effet pétard mouillé, que faut-il comprendre de ce carnaval macabre ? On vous livre nos trois pistes de réflexion.

1. C’EST UNE SÉRIE SUR LE BREXIT

Cela paraît capillotracté, mais quand on y réfléchit bien… Après Years and Years ou le téléfilm Brexit, The Uncivil War, ce ne serait pas la première fois que la télé d’Outre-Manche s’empare du sujet de manière fictionnel. Et notre petite île d’Osea, avec ses habitants très protectionnistes de leurs traditions, et cette route immergée une grande partie de la journée pour seul lien avec le continent, peut-être vue comme une analogie de la Grande-Bretagne isolationniste, qui a coupé le cordon matérialisé par le tunnel sous la Manche en sortant de l’Union européenne. Partant de là, The Third Day pousse les curseurs à l’extrême. Acteurs oppressés, terreur sourde, ambiance irrespirable : son Brexit fantasmé flirte avec la folie collective, qui menace d’abord ceux qui viennent de l’extérieur, pour finalement se retourner comme un piège contre ceux qui l’ont défendu.

2. C’EST LE BÉBÉ D’ARI ASTER ET D’EDGAR WRIGHT

Une communauté séculaire à l’ambiance de secte, qui se transforme en guêpier à ciel ouvert pour ses visiteurs : le pitch de The Third Day pourrait être mot pour mot celui de Midsommar, auquel le titre « Summer » adresse d’ailleurs un clin d’œil. Pour créer la sensation de malaise, les deux réalisateurs de la série, Marc Munden (« Summer ») et Philippa Lowthorpe (« Winter »), multiplient les effets de caméra (dilatation de l’image, top shot…), de montage et de contraste, qui ne sont pas sans rappeler le cauchemar suédois vécu par Florence Pugh dans le film d’Ari Aster. Le tout transposé dans une campagne anglaise digne de Hot Fuzz ou Le dernier pub avant la fin du monde, les deux volets les plus bucoliques de la trilogie Cornetto. Dans les comédies culte d’Edgar Wright, l’image d’Épinal dissimule des trucs pas nets, qui confinent à la farce fantastique. Dans le même style folk horror, The Third Day reprend les attraits pittoresques de la petite bourgade – le pub comme cœur battant du village, les habitants trop bons pour être honnêtes… – pour les passer à la moulinette du glauque. On la regarde non sans plaisir rejouer ces codes empruntés au cinéma, tout en se disant que tout cela est un peu déjà vu.

3. C’EST UNE EXPÉRIENCE… À MOITIÉ RÉUSSIE

Après Utopia, renversante série interrompue en 2013, Dennis Kelly donne son esthétique parano à The Third Day. Mais la série porte aussi la marque de son co-créateur, Felix Barrett. Nouveau venu dans les séries, le fondateur de la compagnie Punchdrunk est l’un des pionniers du théâtre immersif. En 2011, dans sa pièce Sleep No More, il lâchait son public, masqué et obligé de resté muet, dans un immeuble où les acteurs déambulaient d’un étage à l’autre. Cette démarche de parachutage à l’intérieur de la représentation est au cœur de The Third Day. L’idée est intéressante. Mais si Jude Law et Naomie Harris agissent bel et bien comme deux avatars du spectateur, la narration reste imposée. Nous n’avons pas le choix, comme dans l’immeuble de Sleep no More, de nous aventurer à droite ou à gauche, de suivre un tel ou un tel. Le fun en prend un coup. Les spectateurs britanniques et américains retrouveront peut-être un peu plus de la sensation recherchée, puisqu’ils auront droit, entre les deux parties, à un épisode live, tournée et diffusé en direct le 3 octobre et intitulé « Autumn ». Vue d’ici, et sans cet épisode à la diffusion innovante, The Third Day passe un peu à côté de son ambition. Et l’on en vient à regretter que le projet n’ait pas vu le jour en VR.

The Third Day, à partir du 15 septembre sur OCS

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