Space Force

Après The Office, le créateur Greg Daniels retrouve son acteur Steve Carell dans un pamphlet
spatial qui ironise sur les délires mégalomaniaques du président Trump.
Un sujet brûlant, pour une exécution un peu trop tiède.

Par Quentin Moyon

Temps de lecture 5 min

Space Force

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Le 20 décembre 2019, Donald Trump créait la United States Space Force, une branche des forces armées américaines destinée à conduire des opérations militaires dans l’espace. Il aura suffi de quelques mois à peine pour que le duo Greg Daniels-Steve Carell se saisisse de cette actualité pour pondre une satire au vitriol des projets spatiaux de l’occupant de la Maison blanche. Sept ans après la fin de The Office, dont Steve Carell, inoubliable interprète du petit patron Michael Scott, avait déjà signé deux épisodes, c’est en qualité de cocréateurs que les deux hommes présentent ce nouveau projet.

Également devant la caméra, Steve Carell campe cette fois un haut gradé droit dans ses bottes, le général Mark R. Naird, qui se retrouve à la tête du développement de la Space Force, un projet très spécial qui l’oblige à s’installer avec sa famille à Wild Horse, un village fictif du Colorado, tout près de la base ultra-secrète où il accomplira sa mission. Avec à ses côtés le docteur Adrian Mallory, le directeur scientifique de la Space Force, interprété par John Malkovich, il devra faire face à l’incompétence de ses collaborateurs et des politiques pour doubler les Chinois et les Indiens dans une course à la terraformation de la Lune. Tout en gérant, bien sûr, les aléas de sa vie personnelle.

« si certaines blagues font mouche, on se contentera trop souvent d’un simple sourire. »

La bonne idée ? S’ériger en pamphlet politique d’une actualité encore bouillante. Si Trump n’est pas attaqué nommément, la critique acerbe d’une présidence qui multiplie les déclarations absurdes et communique en continu sur Twitter est présente à chaque instant. Ridicule du nom attribué aux militaires de la Space Force (les « astrosoldiers »), utilisation absurde de singes mangeurs de chiens (les « astromonkeys ») pour régler des conflits géopolitiques, grotesque de la démarche des équipiers de Naird, qui se pavanent dans les accoutrements décalés proposés par une première dame qui elle non plus ne dit pas son nom… Comme dans le film de Kubrick Docteur Folamour, modèle assumé de Space Force, la farce a pour vocation de mettre en lumière les comportements erratiques des clowns sinistres qui président au destin de l’humanité. Au-delà du président Trump, c’est toute la classe politique que Greg Daniels et Steve Carell entreprennent de désacraliser en faisant un tout petit pas de côté : personne n’aura de mal, par exemple, à reconnaître l’ancien directeur de la communication de la Maison Blanche, Anthony Scaramucci, sous les traits de son double fictionnel dans la série, baptisé Tony Scarapiducci.

Malgré sa charge politique, la série a tendance à s’essouffler. Comédie de bureau, Space Force copie-colle les procédés comiques de The Office et de Parks and recreation, l’idée du faux-documentaire en moins. C’était pourtant cette manière de briser le quatrième mur qui donnait toute leur saveur et leur originalité aux deux séries précédentes de Greg Daniels. Le style unique du showrunner a-t-il été affadi par les standards de Netflix ? Quoiqu’il en soit, privée de l’arme formelle et narrative que constitue la connivence avec le spectateur, Space Force perd en impact comique : si certaines blagues font mouche, on se contentera trop souvent d’un simple sourire. À force de ne pas trouver d’identité forte, la série finit par se regarder comme un show comique parmi d’autres. D’autant plus qu’elle est alourdie par les visites du général Naird à sa femme Maggie (Lisa Kudrow), qui purge une peine de prison : ces scènes, qui n’apportent pas grand-chose à l’histoire, semblent si forcées qu’on se demande si le personnage n’a pas été greffé au scénario sur le tard.

On retient quand même, pour sauver la mise, l’alchimie absolue entre deux acteurs de très grand talent, Steve Carell et John Malkovich. Leur duo, qui combine l’explosivité de Carell et l’humour noir de Malkovich, porte littéralement le show. Et nous tient finalement agrippé du bout des doigts jusqu’à la fin.

Disponible sur Netflix

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