Years and Years – Le futur commence aujourd’hui

Diffusée au printemps au Royaume-Uni puis aux Etats-Unis,
cette petite bombe sérielle British débarque sur Canal+.
À ne pas rater, sous peine de passer à côté de l’avenir.

Par Perrine Quennesson

Temps de lecture 4 min.

Years and years

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Si on voulait faire simple, on pourrait dire que Years and Years, c’est la rencontre entre la série familiale This is Us et la dystopique Black Mirror. Mais ce ne serait pas rendre justice à la puissance du drame qui se joue, ni à la subtilité de sa réflexion. Produite par la BBC, avec l’aide de HBO, cette série de Russell T Davies, à qui l’on devait la série gay Queer as Folk, suit la famille Lyons vivant en 2019 à Manchester. Daniel s’apprête à épouser Ralph, son frère Stephen et sa femme Celeste s’inquiètent pour leurs filles, leur sœur Rosie cherche le nouvel homme de sa vie tandis que l’autre, Edith, s’engage à fond dans l’humanitaire. Leurs parents ont disparus mais tous vivent sous l’œil bienveillant de la grand-mère Muriel. Une famille banale en somme… Pendant ce temps-là, Vivienne Rook, une politicienne aux idées controversées s’installe dans le paysage médiatique.

la série se révèle plutôt pro-technologie,
à condition de savoir ce qu’on en fait

Dès le premier épisode, après cette présentation des personnages, la série bondit de cinq ans dans le futur. A partir de là, chaque épisode nous amènera un an plus tard pour finir, à l’épisode 6, en 2029. Mais pas question ici d’emmener le spectateur dans un monde de science-fiction. En se basant sur l’état du monde à l’heure actuelle, Years and Years tente, avec succès, d’envisager le futur proche. Et il n’est pas très réjouissant : crise économique, migratoire, climatique… Tout y est avec une sensation de réel et d’inéluctable qui fait froid dans le dos. Tiré par les cheveux et alarmiste ? L’actualité a déjà prouvé que non : Vivienne Rook, cette politicienne populiste au croisement de Donald Drumpf, Marine Le Pen et Boris Johnson jouée par l’immense Emma Thompson, devient Premier ministre du Royaume-Uni dans les années 2020. L’épisode a été diffusé en juin sur le BBC. Boris Johnson est arrivé au 10 Downing Street en juillet. Tout va finalement plus vite que prévu. La puissance de la série est là, dans cette impression de visionner un documentaire sur le futur, un essai prémonitoire.

Mais tout n’est pas sombre pour autant. Les Lyons, sont comme nous, n’ont rien d’exceptionnel, ce ne sont pas des super-héros. Plutôt des quidams lambdas qui subissent le monde et le dessinent malgré eux par leurs actions, comme lorsqu’ils votent notamment. À travers ces personnages auxquels on s’attache (très fort) la série trouve son formidable pouvoir émotionnel. Avec eux, nous réfléchissons aux grandes questions et maux de notre époque : le transhumanisme, la place de la technologie dans notre quotidien, le modèle familial… Mais ils nous font également appréhender les questions sociales sous un angle inattendu. Ainsi la série frappe fort lorsqu’elle met ses spectateurs à la place de migrants. Nous rappelant que si l’on se sent actuellement protégés et peu concernés, la situation peut très vite changer, et que nous ne nous rebellerons sans doute pas.

Mais il y a aussi un message d’espoir dans Years and Years, ce futur qu’elle décrit, parait tangible, réaliste, mais n’est pas nécessairement une fatalité. Par exemple la série se révèle – contrairement à l’angoissant Black Mirror – plutôt pro-technologie, à condition de savoir ce qu’on en fait. Grande série sur la responsabilité individuelle qui mène à la responsabilité collective, Years and Years encourage à se méfier des clowns et à se serrer les coudes.

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