Panic sur Amazon Prime

Faut-il céder à Panic ?

Nouvelle venue sur Amazon Prime Video, Panic mixe à la louche les codes de la série ado et la fiction young adult survivaliste. On peut passer son chemin devant cette série trop conventionnelle, ou se laisser tenter par son approche réaliste, plutôt originale, d’une jeunesse sans horizon. On pèse le pour et le contre.

Par Perrine Quennesson

Temps de lecture 5 min

Panic

Bande-Annonce

47 jeunes risquent leur vie dans un jeu illégal pour une coquette somme d’argent… À vue de nez, Panic a tout d’un énième roman young adult porté à l’écran, à la Hunger Games. Et c’est en effet le cas, puisque la série, produite est scénarisée par Lauren Oliver, est tirée du livre du même nom, qu’elle a publié en 2014. Pourtant, si l’histoire imaginée par l’écrivaine américaine devenue showrunneuse compile certains clichés de la fiction post-ado, et marche sur des plates-bandes bien balisées, elle se distingue in fine par son choix d’un traitement réaliste, qui tranche avec l’atmosphère dystopique de la majorité des récits du genre. Check list.

Une petite ville archétypale comme dans Riverdale

Carp, une bourgade paumée de l’État de New York, où il ne se passe jamais rien. Sauf l’été, où les bacheliers du coin sont conviés à une compétition. À la clé : 50 000 dollars et la promesse d’un avenir meilleur. Comme Riverdale, qui bouclera bientôt sa cinquième saison, la géolocalisation du récit ancre Panic dans un décor très codifié. La série nous ramène dans les tréfonds d’une Amérique des zones périphériques que l’on connaît par cœur, en y injectant la dose réglementaire d’étrangeté et mystère. Archétypes ambulants, ses héros rejouent l’éternelle comédie humaine des rapports sociaux adolescents. La timide Heather veut quitter son mobile-home et sa mère droguée, le mystérieux Dodge a une revanche à prendre, la belle Natalie rêve de filer à L.A. pour devenir actrice, et le rebelle Ray aimerait prouver qu’il vaut mieux que ce qu’on pense de lui. Comme Betty, Archie, Jughead et Veronica dans Riverdale, ces presqu’adultes sont coincés dans un cul-de-sac sans envergure, sans métropole à proximité, à l’horizon aussi bouché qu’un matin de novembre. Pas étonnant qu’ils soient prêts à tout pour en sortir.

Un suspense macabre comme dans Alice in Borderland

Le but du jeu ? Passer une série de challenges toujours plus dangereux (de « sauter de très haut dans un lac en évitant les rochers » à « traverser une quatre voies les yeux bandés », avis aux amateurs) pour accumuler des points et décrocher le gros lot. Personne ne sait qui a créé cette compétition ancestrale, et encore moins qui la contrôle. Certains n’en sont jamais revenus quand d’autres en sont sortis handicapés à vie. On pense bien sûr à Hunger Games, mais ce rituel morbide rappelle encore plus Alice in Borderland, la série japonaise adaptée d’un manga, qui voit trois jeunes hommes téléportés dans un Tokyo alternatif complètement vide, où ils doivent survivre à de périlleuses épreuves. Même sens du spectacle, même suspense macabre, et même goût pour l’énigme et l’enquête… Les deux séries jouent avec nos nerfs. Même si Panic est nettement plus timorée que sa très sanglante cousine nippone.

Un peu de spleen comme dans les films de David Robert Mitchell

Dans sa palette de couleurs, et sa manière de s’attarder sur les visages et les mouvements de ses héros pubères, Panic surfe sur l’esthétique parano et envoûtante du cinéma de David Robert Mitchell. The Myth of the American Sleepover (2010), et plus encore It Follows (2014), les deux œuvres inaugurales du réalisateur, ont imprégné l’air du temps. Et l’on ne compte plus les films et séries qui reprennent sa manière de filmer les adolescents et leurs relations avec un fort sens de la mélancolie, et un jeu sur le hors champ, flirtant plus ou moins franchement avec le fantastique et d’horreur, tendance John Carpenter. Si Panic n’atteint pas l’ambition filmique de ces modèles, elle partage avec les deux premiers films de David Robert Mitchell une façon de mettre parents et enfants à distance les uns des autres, comme si leurs mondes se touchaient sans jamais interagir. Et parvient à nous transmettre le sentiment de solitude et d’abandon qui parcourt les regards tristes de ses héros.

Une touche de réalisme pour emballer le tout

Dans Panic, pas de futur pré/post/péri-apocalyptique. La série cherche à faire la différence en mettant en scène une ville actuelle, et une jeunesse bien dans son temps. Cet ancrage réaliste la rend peut-être encore plus inquiétante. Le jeu dangereux qui fait le sel de l’intrigue rappelle en effet des défis malheureusement bien réels, lancés sur les réseaux sociaux ces dernières années, du jeu du foulard à la Baleine bleue en passant par le récent Zoom challenge. Et le pire, c’est que les compétiteurs de Panic sont consentants. Dans les films récents de la même famille, de Labyrinthe à Divergente, les personnages sont contraints à se mettre en danger par un système arbitraire et injuste. Ici, Heather and co choisissent de participer, délibérément prêts à mourir pour sortir de l’impasse que représente à leurs yeux la ville où ils ont grandi. Alors, même si Panic est alourdie par le poids des conventions et affadie par sa pudeur à l’idée de choquer, elle parvient par moment à capter de manière saisissante le désespoir d’une jeunesse du 21e siècle en manque de repère et d’optimisme.

Panic est actuellement disponible sur Amazon Prime Video

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