Lucky Strike
L’argent tue

Premier film du sud-coréen Kim Yong Hoon, Lucky Strike est un thriller puzzle vitaminé, où la roublardise et la traîtrise s’assemblent pour mieux mettre en image une seule chose : la cupidité.

Par Olivier Tellier

Temps de lecture 5 min.

Lucky Strike

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Il faut se méfier des apparences, Lucky Strike n’est pas un film sur la célèbre marque de cigarettes. Les bêtes qui s’accrochent à la paille, traduction du titre original Beasts That Cling to the Straw, nous donne un indice un peu plus juste de ce à quoi s’attendre. L’histoire ? Celle de destins qui se croisent dans une ville portuaire non loin de Séoul. Un douanier corrompu couvert par les dettes de sa compagne évanouie dans la nature. Des morceaux de corps retrouvés dans un fleuve. Un prêteur sur gage et son homme de main fou du couteau, au physique aussi attendrissant que Requin dans James Bond. Une femme battue par son mari qui trouve quelqu’un pour s’en débarrasser. Une gérante de nightclub prise de compassion pour l’une de ses employées. Bref, une sympathique petite brochette de personnages tentés par l’appât du gain et confrontés à un dilemme : prendre ou ne pas prendre l’oseille.

Adapté d’un roman à succès japonais, Lucky Strike est le premier long-métrage du réalisateur sud-coréen âgé de 38 ans Kim Yong-Hoon. Structuré en chapitres, le récit, aussi fragmenté que le corps retrouvé dans le fleuve, dépeint des personnages obéissant à de bas instincts à la vue d’un tas de billets dans un sac Louis Vuitton. Ce McGuffin à l’état pur véhicule l’idée qu’avec l’argent il faut se méfier de tout le monde, même de ses parents. Le réalisateur n’invente pas grand-chose à ce stade, mais détourne des codes bien établis dans le genre du thriller coréen, principalement peuplé d’hommes et de femmes fatales, proches du film noir. Il offre ainsi aux actrices (notamment Jeon Do-Yeon, vue dans The Housemaid) des rôles tout aussi roublards que ceux qu’il confie aux hommes, et ce peu importe le statut social. Face à l’argent, nous devenons tous égaux, c’est-à-dire complètement fous.

« les personnages sombrent dans des situations cocasses et cruelles qui rappellent les premiers films de Guy Ritchie »

En arrière-plan de ce petit manège s’esquisse le désenchantement coutumier du polar coréen. Les fractures sociales questionnent l’économie du pays, notamment dans ses frontières avec la Chine ; la guerre de Corée, plusieurs fois évoquée, apparaît comme une vieille cicatrice mal refermée… Teintés de cynisme, les personnages de Lucky Strike sombrent dans des situations cocasses et cruelles qui rappellent parfois les premiers films de Guy Ritchie, le côté rock’n’roll en moins, remplacé par le jazz d’une bande-son composée pour le film par Nene Kang.

C’est ludique, plaisant, même si en jouant avec les pièces de son puzzle, Kim Yong-Hoon perd parfois le contrôle de sa narration délinéarisée. Mais il tient le rythme malgré tout, et garde la maîtrise de sa mise en scène, soignée, baignée par les lumières colorées des néons de la ville. Tous les premiers films ne peuvent pas en dire autant.

Lucky Strike, de Kim Yong-Hoon, en salles le 8 juillet.

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