Le Lac aux Oies Sauvages – Néons Démons

Après Black Coal, Ours d’or à la Berlinale 2014, Diao Yi’nan revient avec un thriller suintant parfaitement maitrisé.

Par Theo Bosschaert

Temps de lecture 4 min

Le Lac aux Oies Sauvages

Bande Annonce

Le film s’ouvre sur une scène de nuit sous la pluie. Il n’en sortira presque jamais. Ambiance de thriller immédiatement posée. Un malfrat est pris pour cible par toute la mafia de Wuhan et par la police. Il va chercher, dans un élan chevaleresque, à laver son honneur, accompagné d’une prostituée en quête de liberté. La geste de ce héros s’apparente aux grandes épopées traditionnelles du cinéma asiatique mais la morale et la grâce ont disparu. Il ne se bat plus pour l’honneur de son clan mais pour le sien. Lâchés de toutes parts par leurs collègues et amis, seulement motivés par leurs positions dans le statu quo ambiant. Chez Yi’nan les personnages sont acculés sans autre ressource qu’eux même. Ce monde de laideur leur en veut.

On ne peut s’empêcher de penser aux thrillers coréens de Na hong-Jin, notamment à The Chaser. On retrouve la noirceur, l’anti-héros, les organisations criminelles et la prostitution. La question sociale est également traitée, mas rien n’est appuyé. Le film s’inspire d’une convention de voleur qui a réellement eue lieu. Abordés avec un onirisme, où la sueur et la saleté viennent transformer ponctuellement ce rêve en cauchemar, ou est-ce l’inverse ?

la crasse est contrebalancée
par une esthétique digne de Wong Kar Wai.

Diao Yi’nan alterne les scènes calmes, les montages rapides et les visuels surréalistes. Entre le rêve et réalité, tenu tout le long par une tension croissante et une imagerie contemplative. Mais ici, la crasse est contrebalancée par une esthétique digne de Wong Kar Wai, la délicatesse du non-dit, des entrevues dérobées, à l’image d’Un Grand Voyage vers la Nuit de Bi Gan. On comprend vite que le scénario fait écho aux films noirs des années 40 et 50 (Asphalte Jungle – Quand la ville dort de John Huston notamment). Un homme torturé protégeant une femme forte plongée dans une détresse qu’elle ne veut pas montrer. Les nombreux jeux d’ombre viennent confirmer ce lien. Mais les néons roses et verts fluo ont remplacés le noir et blanc. On oscille entre modernité et tradition, entre jeu de transparences et lumières flashy. Une forme de déconstruction de l’image comme du son, rythmé par les bruits de la vie et des instruments traditionnels. Comme un monde qui se brise et casse nos repères.

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