Josep
Destin Animé

Par la grâce de son trait sensible et libre, le dessinateur Aurel redonne vie à l’artiste catalan Josep Bartolí, et dresse des ponts créatifs entre passé et présent. Un beau film engagé et profond, qui a reçu le label Cannes 2020.

Par Michaël Patin

Temps de lecture 5 min

Josep

Bande-Annonce

Février 1939. La Seconde guerre mondiale n’est pas encore déclarée, mais déjà des camps apparaissent dans le sud de la France pour parquer les 450 000 Républicains espagnols en déroute, qui ont passé la frontière après la prise de Barcelone par les franquistes. Dans ce contexte de privations et d’humiliations, le dessinateur catalan Josep Bartolí se lie d’amitié avec un officier de l’armée française…

Comment faire tenir la vie d’un grand artiste du 20e siècle, l’histoire méconnue de la Retirada, la fraternité entre ceux que tout oppose, la quête d’un amour perdu, le fantasme bariolé de Frida Kahlo, et la question de la résistance, du déracinement, du courage, de la transmission, le tout dans un long-métrage d’1h10 ? Il fallait des pouvoirs spéciaux pour rendre justice au scénario de Jean-Louis Milesi (notamment collaborateur de Robert Guédiguian), et c’est là qu’intervient Aurel, qui signe sa première réalisation après une carrière de 20 ans dans le dessin documentaire. Non, Josep ne pourrait pas être un film live en costumes (trop long, trop coûteux), mais il ressemble moins à un film d’animation traditionnel qu’à un roman graphique prenant vie sous nos yeux.

« Face à la toute-puissance du dessin et du découpage, le mouvement est presque une coquetterie »

Face à la toute-puissance du dessin et du découpage, le mouvement est presque une coquetterie ; d’où sa réduction à l’essentiel, rehaussant ici d’un bruissement la vie du trait, opérant ailleurs quelques transmutations spatiales, temporelles et poétiques. On repense à la phrase de Hugo Pratt : “La bande dessinée, c’est comme le cinéma, même si c’est un cinéma de pauvres.” Car la pauvreté matérielle du dessin n’est pas synonyme de pauvreté d’évocation. Bien au contraire : c’est parce qu’il dit beaucoup en quelques traits suggestifs qu’Aurel déclenche des émotions saisissantes – exactement comme son modèle auquel il redonne vie. Entre eux se nouent peu à peu des liens profonds, qui sont autant de raccourcis entre hier et aujourd’hui, le témoignage d’une époque et son glissement dans l’inconscient collectif.

À la fin du film, le petit-fils du narrateur, devenu à son tour adulte et dessinateur (comme Aurel, bien sûr), entre dans une galerie new-yorkaise où sont exposés les oeuvres de Josep Bartolí, et scotche en douce un dessin perdu de l’artiste, avant de repartir. C’est proche de l’impression laissée par ce film qui recoud la grande histoire avec la petite, d’un geste sobre et sûr, sans rien attendre en retour.

Josep, au cinéma le 30 septembre

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