CINÉTIQUE, LES JOURNÉES DU CINÉMA EN MOUVEMENT

Tripping With Nils Frahm, rêve musical

Somewhere Else et Dulac Cinémas unissent leur force pour vous proposer une sélection hebdomadaire de films, accompagnés d’animations pour nourrir votre projection. Cette semaine sur Somewhere Else, gros plan sur Tripping With Nils Frahm, un documentaire musical qui nous invite par la grande porte, celle de la performance, dans l’univers hybride du pianiste star Nils Frahm.

Par Quentin Moyon

Temps de lecture 5 min.

_________________________

Casquette Gavroche vissée sur la tête, t-shirt noir… C’est en toute simplicité que Nils Frahm accueille son public sur la scène mythique du Funkhaus Berlin. Pas besoin de fioriture quand la magie vous vient directement des doigts et de leur rencontre avec les touches de divers claviers. Classique ou électronique, le piano du musicien/compositeur/producteur allemand de 38 ans navigue de balades néo-classiques en sonorités expérimentales avec une aisance presque surnaturelle. Tripping With Nils Frahm filme ce talent hors du commun en live. Mais mieux qu’un simple concert, ce documentaire pointu coproduit par Plan B, la boîte de prod de Brad Pitt (qui confirme-là son tempérament d’esthète), synthétise quatre performances réalisées par le pianiste en décembre 2018, pour clôturer la tournée mondiale de son album studio All Melody.

Après 180 shows à guichets fermés de l’Opéra de Sydney au Disney Hall de Los Angeles, en passant par le Barbican de Londres, Nils Frahm est de retour à la maison, et le film compile les meilleurs moments de cet épilogue. Derrière la caméra, Benoit Toulemonde, qui a déjà cosigné un court-métrage, Empty, avec Nils Frahm, met à profit sa longue expérience de la captation de concert. En 2008, le Français était déjà à la manœuvre pour filmer les « Soirées de Poche »,  ces concerts en appartement organisés par la Blogothèque. De ce bagage, il a tiré une science du cadrage et du montage (effectué ici avec Leslie Lagier), qui permet de donner du rythme au voyage musical dans lequel nous entraîne le pianiste.

_________________________

Vrombissante, parfois apaisée mais toujours voluptueuse, la caméra cadre au plus près les mains du musicien pour saisir sa technique virevoltante, traque l’émotion sur son visage…  et s’éloigne à nouveau lorsque la dernière croche s’envole pour laisser place aux applaudissements appuyés d’une foule conquise. Quant au montage, il nie orgueilleusement les règles les plus basiques de la grammaire cinématographique, comme celle des 180 degrés, pour nous perdre dans l’espace… Et le temps donc, puisque que l’on pourrait totalement oublier que le film est un mix de quatre soirées, pour ne retenir que la quasi-perfection d’une seule et unique prestation. En sélectionnant la crème des différentes captations, le cinéma met du fard sur les petites erreurs et malfaçons qui permettent ordinairement de donner de la personnalité à une performance live. Ce qu’on y perd en charme impromptu, on le gagne en euphorie, celle d’un trip sensoriel où la virtuosité est reine, d’un concert fictionnel comme sorti d’un rêve.

Ce dispositif où l’imaginaire s’engouffre donne à Tripping With Nils Frahm une texture plus cinématographique qu’une basique captation. Et l’objet filmique non identifié qui en découle trouve naturellement sa place dans l’univers de Nils Frahm, dont les relations, étroites, avec le septième art, sont sous-tendues par un goût pour l’expérimentation formelle. En 2015, il signe la musique du très remarqué Victoria, de son compatriote Sebastian Schipper, sur la nuit berlinoise d’une jeune Espagnole filmée en un seul plan séquence de 2h14. La même année, on le retrouve au générique d’Ellis, un court-métrage où JR met en scène Robert de Niro, dont il a co-écrit la musique avec Woodkid. Et pour Empty, le récent court-métrage de Benoit Toulemonde, qui suit un homme en plein milieu de la nature, il compose un habillage musical et sonore très organique. Un CV déjà tellement chic que la présence de Brad Pitt à la prod de Tripping With Nils Frahm paraît presque naturelle. Comme une goutte supplémentaire de fantasme dans un élixir musical à l’élégance enivrante.

Tripping With Nils Frahm est à découvrir en exclusivité sur la plateforme Mubi à partir du 3 décembre, et sera accompagné par la sortie d’un album du même nom chez Erased Tapes.
Pour retrouver la programmation complète de Cinétique : http://dulaccinemas.com/portail/article/100637/cinetique-films-et-animations

Voir aussi

Disponible sur Mubi

Films
19 janvier 2021

Ham on Rye, de Tyler Taormina

Critique

Avec son premier long-métrage, Ham on Rye, le jeune réalisateur américain Tyler Taormina apporte sa pierre à la déconstruction du teen movie, et délivre un propos engagé à travers un…

Disponible sur Netflix

Films
28 janvier 2021

The Dig sur Netflix

Critique

Deuxième film du metteur en scène australien Simon Stone, plus connu pour son travail au théâtre, The Dig est une élégie grandiose, faussement corseté, qui retrace l’histoire vraie d’une découverte…