Chiara Mastroianni, Honoré(e)

L’actrice fétiche de Christophe Honoré a reçu le prix d’interprétation
de la sélection Un certain regard du festival de Cannes pour Chambre 212.
Portrait de femme moderne et impertinent qui revigore la filmographie du cinéaste parisien.

 Par Marine Bohin et Jacques Braunstein

Temps de lecture 3 min.

Chambre 212

Bande Annonce

Les débuts du film agacent : le rythme de dialogues effréné, ce ton volontairement un peu faux, suranné, nous font redouter un marivaudage germanopratin. Mais Chiara Mastroianni déjoue par la sincérité de son interprétation ce qui aurait pu faire du film une bluette intello et bavarde. Celle qui fut mariée avec Benjamin Biolay est ici sa partenaire : ils interprètent un couple à la lisière de la fin, s’interrogeant sur l’érosion du désir, la fidélité, le sens de l’amour. Autant de thématiques chères à Christophe Honoré, qui adore sonder les couples. Et tant qu’à faire, autant replonger dans les affres de la rupture de deux comédiens qui se sont aimés dans la vraie vie. Une mise en abîme un peu perverse, certes… Mais si les réalisateurs étaient des créatures saines d’esprit, ça se saurait. Et ça porte ses fruits : tour à tour le duo émeut, amuse, réjouit. D’autant que le réalisateur adopte un dispositif original. Tourné en studio, ce qui permet des angles inusités et des changements d’échelle, le film entrechoque les époques, aux confins de la mémoire et du fantastique. Un dispositif qui rappelle les films de Bertrand Blier (Notre histoire, Trop belle pour toi, Merci la vie…) nommément remercié à la fin du film. Il est d’ailleurs amusant que l’univers bariolé de ce réalisateur réputé misogyne serve de modèle à ce film subtilement féministe.

Maria est un rôle féminin qui renverse les codes
et interroge les stéréotypes

Un personnage furieusement moderne
Pour réfléchir à son couple, Maria, qu’interprète Mastroianni, décide de passer une nuit à l’hôtel, Chambre 212, histoire de retrouver une « chambre à soi ». Il faut dire qu’elle vient d’avouer à son mari ses très nombreux amants, et il semble envisager l’infidélité avec beaucoup moins de légèreté qu’elle. Maria est de ces rôles féminins qui renverse les codes avec insolence et interroge les stéréotypes : elle se retourne sans complexes dans la rue sur les beaux garçons, voit les liaisons comme une façon de faire durer son couple et profite de son statut de prof de droit pour coucher avec ses élèves (Philip Roth aurait adoré… Ou pas). Et surtout, elle ne voit pas dans ses rides une entrave a la séduction – à ses côtés, Camille Cottin, la quarantaine rayonnante également, trouve là le plus beau rôle de sa carrière.

Après le trop sérieux Aimer, plaire, courir vite, cette Chambre 212 témoigne de l’inspiration toujours vive de Christophe Honoré. C’est également sa sixième collaboration avec Chiara Mastroianni, et on ne se lasse décidément pas de les voir retomber en amour, film après film.

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