Zoey’s Extraordinary Playlist

Avoir une chanson dans le cœur

En priant pour que la saison 2 de Zoey’s Extraordinary Playlist arrive bientôt sur Warner TV, on a sélectionné les scènes les plus emblématiques de cette comédie dramatique à la fois grave et allègre, qui fait de la musique le langage intime et universel des émotions que l’on a du mal à formuler.

Par Juliette Cordesse

Temps de lecture 5 min

Zoey’s Extraordinary Playlist

Bande-Annonce Saison 1

Le point commun entre le cinéaste français Alain Resnais et le créateur de séries américain Austin Winsberg ? Ils ont tous les deux fait chanter leurs personnages. Dans On connaît la chanson, en 1997, Resnais utilise la variété française pour aider une poignée de Parisiens à verbaliser ses émois. Dans la comédie millenium Zoey’s extraordinary playlist, ce sont des habitants de San Francisco qui s’expriment à travers des standards de la pop. En guise de trait d’union, les séries « juke-box » du Britannique Dennis Potter, The Singing Detective ou Lipstick on your collar, qui, dans les années 80-90, inspirèrent Alain Resnais, et inventèrent un sous-genre de la comédie musicale aujourd’hui investi par des auteurs de télé américains. Zoey’s extraordinary playlist emboîte ainsi le pas à Glee ou Crazy ex-Girlfriend, et d’une série chantante à l’autre, le procédé raconte notre lien émotionnel avec la musique qu’on écoute et le rapport au temps que tissent nos playlists mentales, plus intense encore maintenant que nos hymnes fétiches, dans les écouteurs de nos smartphones, nous suivent partout où nous allons. Cette idée que la musique pop forme un langage à la fois intime et universel, la série d’Austin Winsberg la prend au pied de la lettre. Après une IRM interrompue par un tremblement de Terre, Zoey, une jeune codeuse sensible et pétillante, acquiert un étrange pouvoir : son quotidien est entrecoupé de chansons gazouillées par ses proches. Et si le choix des titres en dit long sur la personnalité de chacun, il permet aussi de promouvoir une certaine idée du vivre ensemble.

Help!

The Beatles

Help, des Beatles : la musique pour créer du lien social

Imaginez tout San Francisco se mettre à chanter en chœur Help des Beatles. C’est ainsi que Zoey est confrontée à son pouvoir pour la première fois. Des citoyens de tous âges, genres et origines se croient soudain dans une comédie musicale et la mise en scène se met au diapason – plans séquences, mouvements fluides et travellings. Cet évènement inaugural digne de l’ouverture de La La Land s’appuie sur une chorégraphie spectaculaire pour révéler, à travers les paroles démultipliées de la chanson (« Help, I need somebody !), un mal-être à grande échelle : dans nos vies urbaines névrosées, on oublie parfois qu’on a fondamentalement besoin les uns des autres. En faisant communier les passants qui d’habitude s’ignorent royalement, la musique offre un remède à l’individualisme.

Fight Song

Rachel Platten

Fight song, de Rachel Platten : la musique au service de la dignité

Le personnage d’Abigail, une jeune femme muette, est freinée dans ses ambitions de voyage par un père surprotecteur. Alors pour dire sa frustration, elle se met à « chanter » Fight Song de Rachel Platten avec ses mains : « This is my fight song / Take back my life song / Prove I’m alright song. » Le message est clair, militant même : non seulement le handicap n’empêche pas de ressentir et de véhiculer la musique, mais la musique est même pour ceux et celles qui souffrent dans leur corps un puissant moyen d’expression pour se faire entendre quand on a du mal à les écouter, un défi à toutes les formes de validisme et de stigmatisation.

This Little light of Mine

Gospel

This Little light of Mine, gospel : la musique pour exprimer son identité

À travers la figure Mo, une personne gender-fluid, les scénaristes font de la musique un vecteur d’affirmation de soi. Lorsqu’il va chanter à la chorale de l’église, Mo ne s’autorise pas à porter des vêtements féminins. Mais en gommant une facette de son identité, il éprouve des difficultés à chanter : comment donner de la voix quand on n’est pas totalement soi-même ? Sa libération viendra d’une chanson qui, cette fois, n’est pas le fruit du pouvoir de Zoey, et vaut moins par ses paroles que par la manière dont il l’interprète : osant enfin pénétrer dans l’église en tenue féminine, Mo se lance dans une interprétation éblouissante du gospel This Little light of Mine, et terrasse son auditoire. La musique qu’il sublime le sublime en retour.

I Love It

Icona Pop feat. Charlie XCX

I Love It, de Icona Pop et Charlie XCX : la musique pour apaiser les conflits

Peu à peu, la musique se détache des hallucinations de Zoey et revient dans l’espace réel. Ainsi, quand Zoey et Simon, le collègue qui la fait craquer, commencent à se crier dessus en se reprochant mutuellement d’être trop négatifs et égoïstes, Mo les oblige à mettre de la musique à fond pour se défouler et extérioriser leur colère. « I threw your shit into a bag and pushed it down the stairs / I crashed my car into the bridge / I don’t care, I love it » : les mots d’I Love It, de Icona Pop et Charlie XCX, fusent dans l’atmosphère tendue, la mélodie entraîne le mouvement… et ce sont autant de moyens de communication non conflictuelle pour les deux personnages en crise, qui leur permettent de se calmer, de sortir l’agressivité et du déni, et de renouer le dialogue.

How do I live

LeAnn Rimes

How do I live, de LeAnn Rimes : la musique pour adoucir le chagrin

Lorsque Zoey apprend que son père, atteint d’une maladie dégénérative, va bientôt mourir, son pouvoir s’inverse et c’est elle qui se met à chantonner les mélodies… Tout haut. Ce « bug » crée d’abord un effet de décalage comique entre ce que la jeune femme s’imagine (une scène de comédie musicale) et ce qu’elle fait vraiment (chanter faux a cappella). Mais bientôt le renversement prend un tour plus dramatique : quand Zoey, qui ne parvenait pas à poser des mots sur ce qu’elle ressentait, « choisit » de chanter How do I live de LeAnn Rimes. « How do I live without you? / I want to know / How do I breathe without you? If you ever go » : lorsqu’elle prononce ces mots qui font écho à sa détresse, ses résistances sautent et les larmes peuvent enfin couler, douloureuses et consolatrices. C’est l’acceptation qui commence son chemin.

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