Clipanorama #18

Future Islands, For Sure
Pas moins de trois ans se sont écoulés depuis que les chansonnettes électro-pop de Future Islands, compilées en 2017 dans l’album The Far Field, n’ait enivré nos écoutilles. Trois ans durant lesquels les membres du groupe de Caroline du Nord ont tracé des parcours individuels dans des styles très différents, hip-hop pour le meneur Samuel T. Herring alias Hemlock Ernst, ambiant pour le bassiste William Cashion. For Sure constitue donc le retour aux affaires officiel du trio (complété par Gerrit Welmers au synthé). Au programme, une ode poétique et mélancolique, et pourtant revigorante, à l’amour qui fait confiance et refuse d’emprisonner l’être aimé. L’amour, c’est peut-être la dernière chose sur laquelle on pourra compter après le déluge, semble nous suggérer le clip… On y suit une course de voitures dans un monde post-apo aux faux airs de Mad Max, depuis les ruines de villes désertées par la présence humaine jusqu’à l’océan. Portée par le lyrisme à la Bowie de la voix d’Hemlock Ernst, cette fuite en avant est à la fois effrayante, et étrangement libératrice.

Papooz, The Garden

L’année 2020 démarre sur les chapeaux de roue pour Papooz. Après la sortie du titre Figs and Gorgonzola en début d’année, le groupe au style so 60’s, proche d’un Dylan qui aurait fait équipe avec les Beach Boys, revient avec le morceau The Garden. Comme à son habitude, le duo français délivre un son pop à la légèreté planante, quasi-hypnotique, tout droit sorti d’une autre époque. Une invitation au laisser aller, au chill, pépouze, vêtus de simples feuilles de vignes… Comme les deux personnages du clip, Adam et Eve nouvelle génération, incarnés par le chanteur du groupe Ulysse Cottin et l’actrice Klara Kristin (déjà vu dans le clip de You and) dans leur plus simple appareil. Réalisée par les copains Victoria Lafaurie et Hector Albouker, cette virée dans le jardin d’Eden inverse les rôles : c’est le garçon qui croque le fruit défendu sans écouter les conseils de la fille, les propulsant tous les deux dans un désert à la Zabriskie Point, où nos deux amants se fâchent puis se réconcilient dans un corps à corps charnel autrement plus prude que celui du film d’Antonioni. Parce qu’on a beau fantasmé sur les sixties, on est quand même en 2020.

Rone, Room With A View
Tous les chemins mènent à Rone : depuis l’arrivée des beaux jours, le producteur français occupe les ondes. Après Gingko Biloba et Nouveau Monde, il enchaîne avec Room With A View, titre annonciateur de son nouvel album qui portera le même nom. Un album pas comme les autres : il a été composé pour le spectacle Room With A View, cocréé par Rone et le collectif La Horde, avec le ballet national de Marseille. Dans une carrière de marbre, une vingtaine de danseurs, telles des sculptures vivantes issues de la roche, se laissent traverser par des mouvements fluides ou compulsifs, comme possédés par les nappes électro à la fois industrielles et sensibles de Rone. Au centre du dispositif : le corps sous toutes ses expressions, individuel mais aussi social, outil de survie, machine (à tuer ?), luttant au cœur d’un monde au bord de l’Apocalypse. Cette chorégraphie aussi puissante physiquement que musicalement, qui évoque la transe du Climax de Gaspar Noé, tournera un peu partout en France, dans sa version intégrale, à partir du mois d’octobre.