Mobile Homes

L’amour en fuite

Film. Portrait de l’Amérique de la débrouille et des petits délinquants à travers les yeux d’un enfant bringuebalé par une mère dépassée. Mobile Homes, un film sec et pourtant déchirant. 

Temps de lecture 3min

Par Jacques Braunstein

Ce n’est pas l’Amérique redneck qui vote Trump mais c’est tout aussi dur.

Evan et Ali vivent avec le fils de cette dernière, Bone 8 ans. Ils vont de motel en motel dans un vieux van. Vendent des coqs de combat, trafiquent un peu de drogue… Ali aime son fils mais elle est le jouet d’Evan, petite frappe sans envergure qui se sert de Bone pour limiter les risques. Lorsqu’ils font un resto-basket, ils laissent l’enfant sur place pendant qu’ils démarrent le van.

Le réalisateur Vladimir de Fontenay parvient à mettre le spectateur dans la peau de Bone, comptant jusqu’à 20 avant de piquer un sprint pour rejoindre sa mère. À le mettre également dans la peau de cette mère trop jeune qui aime son fils mais ne sait rien refuser à son amant. De grands dilemmes en mauvais choix, il filme au plus près le visage de son actrice Imogen Poots vue dans 28 jours plus tard, Knight of Cups ou Green Room. Visage à l’intensité tragique qui rappelle celui d’Emilie Dequenne dans RosettaUn soir, la mère et le fils se cachent dans un mobile home pour échapper à la violence d’Evan – Callum Turner déjà le partenaire de l’actrice dans Green Room. Au matin, ils sont réveillés par le bruit et les cahos, la maison les emmène vers un destin dont ils ignorent tout…

Étudiant en cinéma à NYU, le français Vladimir de Fontenay circulait en voiture dans l’État de New York quand il avait été frappé par la vison d’un mobile home, cette maison qui prend la route. Il en a fait le motif central de son second court métrage et approfondit ici son thème. Ce long métrage remarqué à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes, il l’a tourné au Canada, au milieu des paysages enneigés de l’Ontario. Il évite ainsi les clichés habituels du film américain réalisés par un Européen. Les décapotables, le désert… Mobile Homes traverse des paysages superbes, mais on ne fait que les entrevoir. On les regarde comme ses personnages : trop habitués à eux, trop concentrés sur leurs problèmes pour les contempler. Le film documente des mondes dont on ignore tout : les combats de coqs, les trailers park…

Ce n’est pas l’Amérique redneck qui vote Trump mais c’est tout aussi dur. Les armes, l’avidité comme unique boussole, la mère encore adolescente livrée à elle-même qui rappelle le regard de Larry Clark ou Gus Van Sant sur une civilisation qui a tourné le dos à ses enfants. Incroyable scène d’ouverture du film où une employée des services sociaux explique à Ali que si elle ne veut pas abandonner son fils, elle ne peut pas grand-chose pour elle. … Vladimir de Fontenay emprunte aux codes des films sociaux européens comme à ceux du thriller, aux films Sundance comme aux classiques (Le Kid de Chaplin, Le Voleur de Bicyclette de De Sica…)… Et en tire une fable universelle sur l’amour maternel, l’empathie et son absence.

Lire également l’interview du réalisateur Vladimir de Fontenay.

VOIR AUSSI