Fritz Lang

Est-il le père de Tim Burton ?

Cult. Alors que Le Testament du Docteur Mabuse
et House of the River ressortent en salles,
retour sur l’influence de Fritz Lang sur l’œuvre de Tim Burton,
d’Edward aux mains d’argent à Dumbo.

Par Paola Dicelli

Temps de lecture 3 min.

Dans son dernier film, Dumbo,pourtant estampillé Disney, Tim Burton renoue avec l’un de ses thèmes de prédilection : le cirque, et les « freaks » auxquels on s’attache. Une adaptation efficace, malgré l’usage intempestif du fond vert—RIP ses stop-motions—qui collectionne les références à ses anciens longs-métrages. Big Fish évidemment (avec Danny de Vito, qui reprend son rôle de circassien), mais aussi, plus insidieusement, Edward aux mains d’Argent. Dans une scène courte et pourtant marquante, Milly, la fille de Collin Farrell, interprétant un cow-boy handicapé par la guerre, rêve de devenir scientifique, et montre à son père les inventions du futur. Les machines, 100% burtoniennes, rappellent son chef d’oeuvres de 1991, lui-même faisant référence à un autre chef d’œuvre. Celui de Fritz Lang, cette fois, Metropolis (1927). Comment ne pas voir dans le travail du cinéaste américain l’influence du maître de l’expressionisme allemand ?

La folie des films de Burton
est déjantée et non psychiatrique

Le cinéma de Fritz Lang a en effet émaillé la filmographie entière de Tim Burton, depuis ses courts-métrages, comme Frankenweenie (la version de 1984).

Mais c’est avec Edward aux mains d’argent que les références au réalisateur allemand se font plus explicites. Edward, créature recluse dans un manoir gothique découvre la vie de plusieurs familles trumpiennes avant l’heure, et adeptes des « réunions tupperware ». Il pourrait être le fils spirituel de la femme-robot de Metropolis. Elle qui, dans un XXIème siècle de science-fiction, a été créée de la même manière qu’Edward, par les machines, pour véhiculer un message humaniste. Le journaliste Antoine de Baecque analyse bien ces citations filmiques, dans son ouvrage « Tim Burton » (éd Cahiers du cinéma) : « Cette mouvance entre les styles, les références, les genres constitue l’esthétique gothique de Tim Burton, en réaction contre la culture classique du puritanisme et la mise en scène normalisée propres aux films hollywoodiens grand public récent ».

 Burton, serait-il un cinéaste engagé ? Pas vraiment. Comme Fritz Lang, il se moque de certaines classes sociales et privilégie les gueules cassées (Les Noces Funèbres, par exemple, où les Morts sont plus folichons que les Vivants), mais il le fait toujours avec tendresse. Et c’est la grande différence avec le réalisateur allemand, aux accents communistes. Les travailleurs de la ville basse de Metropolis, dans leurs gestes mécaniques, ont inspirés les Oompa-Loompas de Charlie et la Chocolaterie (2005). Mais ces-derniers sont beaucoup mieux traités par leur patron que ceux de la ville basse qui sont condamnés à être engloutis par le Moloch si leur travail n’est pas satisfaisant.

Une influence finalement plus esthétique que discursive. La folie des films de Burton est déjantée et non psychiatrique (sa seule psychiatre, dans Dark Shadows, passait plus de temps à faire des fellations au vampire qu’à faire des diagnostics !). Alors que dans Le Testament du Docteur Mabuse de Fritz Lang (1933), comme dans tout le cinéma expressionniste allemand, la psychiatrie est prise très au sérieux, et symptomatique d’une aliénation sociale liée à la montée du nazisme. Quoiqu’il en soit, la filiation est là. Dumbo n’est qu’un éléphant aux grandes oreilles, mais la critique du parc Disneyland est bien un des thèmes cachés du film. Et Fritz Lang aurait fait la même chose.

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