Miracle Workers

Le monde selon Simon

Série. Deux ans après l’arrêt de sa géniale série Man Seeking Woman, Simon Rich revient avec une comédie angélique et romantique présentée au festival Séries Mania. Son style surréaliste s’assagit, une bonne et une mauvaise nouvelle à la fois.

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Par Julien Lada

Simon Rich s’est imposé en quelques années comme l’homme à suivre de la comédie américaine. Showrunner, scénariste, auteur et écrivain, ce touche-à-tout est un pur produit de l’intelligentsia new-yorkaise. Son père, ancien éditorialiste du New York Times, officie à la production de Veep et Succession (HBO), alors que sa belle-mère est également journaliste au NYT, et son frère un essayiste à succès. Loin des comiques galériens écumant les soirées open mic des comedy clubs, Rich a enchaîné la prestigieuse Dalton Academy, puis Harvard, où il prend la tête du Harvard Lampoon, la revue satirique par laquelle sont passés John Updike, Conan O’Brien, et quelques-uns des showrunners les plus reconnus : Robert Carlock (30 Rock, Unbreakable Kimmy Schmidt), Michael Schur (The Office, The Good Place) ou Alan Yang (Master of None).

Plus jeune auteur de l’histoire de la writing room

Plus jeune auteur de l’histoire de la writing room du Saturday Night Live, de 2007 à 2011, il impose ses sketchs au pitch très simple, étiré jusqu’à l’absurdité la plus extrême. Ce sera également le leitmotiv de Man Seeking Woman (FX, 2015) adaptation de son propre recueil de nouvelles The Last Girlfriend on Earth. Un bijou de jusqu’au-boutisme pop sous forme de comédie romantique à sketchs restée relativement confidentielle. Elle retrace les déboires sentimentaux de Josh (Jay Baruchel), post-ado fleur bleue qui se retrouve entraîné dans une série de situations surréalistes : un date avec une troll suédoise, des retrouvailles avec son ex recasée avec un Adolf Hitler centenaire, une cohabitation avec un démon japonais en forme de pénis géant…

Angel Seeking Woman
Annulée au terme de sa troisième saison, Man Seeking Woman a posé les fondations sur lesquelles Simon Rich a construit sa nouvelle création : Miracle Workers, nouvelle adaptation d’un de ses romans What in God’s Name. Le pitch se construit encore une fois sur un canevas de romcom mâtiné d’absurde. Craig (l’ex Harry Potter, Daniel Radcliffe) est un ange spécialisé dans la réalisation des souhaits des humains sur Terre. Sauf que Dieu (Steve Buscemi) commence à en avoir ras-le-bol de la stupidité des Terriens et se dit qu’il ferait bien sauter cette planète. C’était sans compter sur la nouvelle collègue de Craig, Eliza (Geraldine Viswanathan), bien décidée à sauver la planète. Dieu les met alors au défi de réaliser un miracle pour revenir sur ses intentions.

Miracle Workers est le second étage de la fusée propulsée par Simon Rich. Comme Man Seeking Woman, la série expose sous une loupe grossissante les tropes de la comédie romantique et les difficultés de la vie de couple. Ici on s’intéresse moins aux amoureux présentés que comme les personnages d’une sorte de jeu vidéo, qu’aux situations et hasards sur lesquels se construisent une relation. Comment faire tomber amoureux deux grands timides quand tout semble se liguer contre eux ? Comment écarter un prétendant inattendu, créer l’étincelle ou simplement leur donner le courage de se dire bonjour ? Tel est le défi auquel se retrouvent confrontés Craig et Eliza : les voies du Seigneur sont impénétrables, celles du cœur humain encore plus.

 La vie pas vraiment rêvée des anges
Miracle Workers n’est cependant pas que cela : c’est aussi une série sur l’ennui, y compris divin. Dans un monde où la moindre tâche est automatisée et coordonnée depuis des siècles (Eliza est transférée d’un service où elle modelait chaque grain de poussière de la Terre) difficile de trouver un sens à son existence. De haut en bas de l’échelle hiérarchique, chacun cherche sans conviction à faire perdurer un monde figé, à l’exception de la volontaire Eliza. Ce qui constitue l’approche nouvelle de Miracle Workers constitue aussi l’un de ses principaux défauts : en créant cette narration à double niveau entre les mondes célestes et terrestres, Simon Rich se retrouve à devoir diluer ses intrigues et composer avec le besoin de faire vivre chacun de ses personnages sur seulement sept épisodes. L’humour Simon Rich demeure reconnaissable, mais la série n’épouse pas la radicalité de son précédent bébé.

Mais Miracle Workers met en avant le caractère idéaliste et bienveillant de ses héros comme Man Seeking Woman. Eliza, véritable héroïne de la série, par la vista comique de Geraldine Viswanathan (remarquée dans Blockers). C’est par elle que passe le salut de l’espèce humaine et c’est aussi elle qui impulse le tempo de chaque situation en entraînant un Daniel Radcliffe qui sait s’éclipser derrière elle quand il le faut. Miracle Workers rappelle au final deux séries de Michael Schur (autre showrunner star issu d’Harvard). Son univers paradisiaque et son mélange de candeur et de mélancolie évoquent The Good Place. Et Eliza partage l’idéalisme à tout crin avec la Leslie Knope (Amy Poehler) de Parks and Recreation . Miracle Workers ne marquera peut-être pas autant que Man Seeking Woman, mais elle saura se trouver une place dans le créneau pourtant encombré de la comédie feel-good, ne fût-ce que pour sept petites demi-heures.

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