Pearl

Move Your Body !

Film. C’est une immersion totale dans l’univers du bodybuilding féminin. Un premier long-métrage intriguant et coloré, signé Elsa Amiel et interprétée par l’étonnante championne Julia Föry.

Temps de lecture 4min

Par Antoine Le Fur

Léa Pearl a un atout : son corps. C’est même son outil de travail. Culturiste professionnelle, elle se dévoue aux entraînements quotidiens sans lesquels elle ne serait pas l’athlète qu’elle est devenue. Alors qu’elle s’apprête à concourir pour le prestigieux titre de Miss Heaven, elle voit débarquer son ex-mari Ben, accompagné de leur fils Joseph, qu’elle n’a pas vu depuis quatre ans.

Dans son premier court-métrage, Faccia d’Angelo (2006), librement inspiré de la vie du boxeur italien Tiberio Mitri, Elsa Amiel s’intéressait au parcours d’un champion déchu. Avec Pearl, elle continue son travail de réflexion sur le corps. Exit les rings, place aux compétitions de bodybuilding et leurs cortèges de colosses aux corps badigeonnés d’autobronzant et moulés dans des sous-vêtements pailletés. Le film se focalise sur le culturisme féminin que le cinéma a rarement mis en lumière. Plus glamour ? Moins grotesque ? C’est au spectateur de se faire son opinion face à ce film entre fiction et documentaire.

Dès les premiers plans, on comprend que la cinéaste a bossé le sujet. Pour préparer Pearl Elsa Amiel a fréquenté les compétitions de bodybuilding, observe ces drôles d’athlètes parfois perçus comme des phénomènes de foire. On a l’impression d’assister à un reportage. Léa Pearl — que la caméra va suivre — est interprétée par la véritable championne Julia Föry, qui fait ici ses premiers pas au cinéma. Elle fait des pompes, prend des protéines, refait des pompes, peint son corps d’un liquide marronnasse (le « tan »), se maquille un peu à la truelle… On découvre sa musculature surréaliste, digne de Conan le Barbare, mais Elsa Amiel évite de donner à voir ces femmes comme des monstres. Sa démarche peut être rapprochée de celle d’une anthropologue et c’est l’une des principales qualités du film, il parvient à adopter la distance nécessaire par rapport à son objet (comme le montre cet extrait).

Entre les murs
De même la part fictionnelle déjoue les attentes du spectateur. Mère égoïste, faisant passer son « art » avant son propre fils, Léa Pearl n’est pas un personnage dont l’instinct maternel sera la rédemption. Cette cellule familiale vient perturber l’ordre des choses. Celui des culturistes vivant enfermés dans un hôtel continental le temps de leur compétition. La réalisatrice met en scène ce huis clos, réinventant au passage cet espace si particulier qu’est l’hôtel au cinéma. Excepté quelques scènes dans la voiture de Ben, l’ex-mari incarné par le Belge Arieh Worthalter (Girl, Les Anarchistes…), le film se déroule entièrement dans ce lieu confiné, à mi-chemin entre l’univers coloré du palace imaginé par Wes Anderson pour The Grand Budapest Hotel et le sinistre et très géométrique Overlook Hotel de Shining.

Mais surtout, Pearl met en avant des comédiens talentueux. En coach sportif sur le retour, le Britannique Peter Mullan (My Name is Joe, Mademoiselle Julie) est saisissant d’intensité. Et il y a bien sûr Julia Föry, véritable bodybuildeuse et néo-actrice, dont on s’étonne qu’elle n’ait jamais fait de cinéma. Pearl devrait changer la donne. Des podiums aux plateaux, il n’y a qu’un pas et on espère que qu’elle le fasse à nouveau.

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