La belle et la belle

Reprendre Allen

Film. Fille naturelle de Éric Rohmer et Françoise Sagan, Sophie Fillière explore de film en film le marivaudage bourgeois sur un mode drolatique. Son nouveau film aux frontières du fantastique évoque Woody Allen. Explications.

Temps de lecture 3min

Par Jacques Braunstein

Peut-on coucher le premier soir ? Faut-il renouer avec ses anciens amants ? Peut-on aimer deux hommes ou est-ce le signe que l’on n’en aime aucun ? Comment peut-on perdre ses meilleurs amis de vue ? Autant de questions aussi existentielles que superficielles qu’explore son dernier film : La belle et la belle, tout comme ses précédents : Gentille ; Un chat, Un chat… Une unité thématique qui risquait à la longue de tourner en rond.

“On pense à Woody Allen, maître de cette veine psychologique et humoristique.”

Mais, dans La belle et la belle, la réalisatrice ajoute une dimension fantastique qui pimente le récit et relance la machine. Margaux (Agathe Bonitzer), 20 ans et quelques, rencontre Margaux (Sandrine Kiberlain), 45 ans. Elles ne se ressemblent pas et pourtant elles découvrent qu’elles sont la même femme à deux âges de la vie. La jeune Margaux va apprendre des expériences de son ainé. La plus mature va mieux se comprendre via ce miroir de son passé. Enfin, avec des hauts… Et débats.

Toujours aussi léger, le cinéma de Sophie Fillière se fait plus métaphysique avec cette incursion dans l’étrange. Et l’on pense à Woody Allen, maître de cette veine psychologique et humoristique à laquelle Sophie Filière appartient clairement (même s’il est aujourd’hui dangereux de faire référence au réalisateur controversé).

Après Annie Hall, Manhattan ou Stardust Memory, le new-yorkais risquait, lui aussi, de raconter indéfiniment l’histoire d’un intellectuel qui hésite entre deux femmes… Avec Zelig, La rose pourpre du Caire, Alice ou Harry dans tous ses états, il a ajouté une pincée de surnaturel dans son cinéma. Ce qui lui a permis de se renouveler en variant les thèmes et les constructions.

Sophie Filière emprunte avec talent cette voie. Dessinant une sorte de fantastique de proximité. On peut juger la fin de La belle et la belle inaboutie. Une pincée de fantaisie n’a pas fait d’elle une spécialiste des boucles temporelles dont abuse Hollywood.

C’est la limite, et le charme, de son film.

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