La Communion, le cœur du Christ

Drame ecclésiastique en rase campagne, le troisième film du Polonais
Jan Komasa concilie avec brio l’exigence de la grande forme
et les ressorts de la narration sérielle. Explications.

Par Caroline Veunac

Temps de lecture 5 min

La Communion

Bande Annonce

Daniel, un jeune repris de justice qui a rencontré Dieu en prison, fait escale dans une bourgade paumée de la campagne polonaise pour travailler à l’atelier de menuiserie. Mais dès le premier jour, son programme de réinsertion bifurque. Le curé qui lui a offert le gîte et le couvert ayant abusé de la liqueur locale, l’étranger se fait passer pour un séminariste et le remplace au pied levé, comme s’il s’agissait d’un rôle dans une pièce de théâtre. Et c’est un triomphe : les prêches iconoclastes de ce prêtre au crâne rasé et aux bras tatoués, enflammé par sa quête de rédemption, font un carton auprès des habitants du coin qui eux, sont en attente de réponses après l’accident de la route qui a tué plusieurs jeunes du village. Bientôt l’église ne désemplit pas.

La Communion, présenté au dernier Oscar du meilleur film étranger sous le titre Corpus Christi, se présente comme un gros morceau de cinéma, enchaînant des plans fixes à la rigueur impressionnante, qui soudain s’offrent un léger traveling ou déraillent carrément en explosions chaotiques. Avant tout très beau à regarder, le film de Jan Komasa prend sa place dans une école polonaise formaliste dont le réalisateur d’Ida (oscarisé en 2015) et de Cold War Paweł Pawlikowski est le plus célèbre représentant actuel.

La Communion est un objet
fait pour franchir les frontières

Mais sous l’habillage hautement cinématographique, le film dissimule une machinerie qui rappelle plutôt les séries télé. Basé sur des faits réels – les cas d’usurpation de soutane sont paraît-il courants en Pologne –, La Communion y injecte des éléments de soap-opera pour dresser, à la manière d’un feuilleton, le portrait à la loupe d’une communauté meurtrie par un drame collectif, à laquelle tout nous invite à nous identifier. Cet assemblage presque trop malin de puissance visuelle et d’efficacité narrative fait de La Communion, pourtant très ancré dans une culture locale, un objet fait pour franchir les frontières. D’autant plus que l’acteur qui interprète Daniel a toutes les qualités requises pour devenir une star internationale. Profitant de la scène offerte à son personnage de rock star de l’eucharistie, Bartosz Bielenia choisit pourtant de ne pas en faire des tonnes. Au contraire, il se met à nu. Preuve du talent de ce jeune acteur de 28 ans, dont l’immense regard bleu et la silhouette androgyne rappellent un peu Christopher Walken, cette sobriété dans l’intensité permet au film de s’éloigner de la simple histoire de mystification pour ausculter au plus près le cœur de Daniel. Un cœur rongé par un crime dont on ne saura rien, avide d’amour et de pardon.

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