Grâce à Dieu

Film Cathédrale

Film. Le nouveau film de François Ozon, Prix du jury au festival de Berlin s’attaque frontalement à la pédophilie dans l’Église catholique.

Temps de lecture 3min

Par Jacques Braunstein

Grâce à Dieu le nouveau film de François Ozon sortira bien en salle le 20 février. Le père Preynat qui avait attaqué le film en référé pour atteinte à la présomption d’innocence a été débouté lundi 18 février. Ce prêtre pédophile, qui doit être jugé le 7 mars prochain,  a avoué ses crimes à plusieurs reprises, mais le Diocèse de Lyon choisissait à chaque fois de le déplacer plutôt que de faire en sorte qu’il ne soit plus en contact avec des enfants.

On sent dans ce cinéma quelque chose de plus frontal et sans doute moral depuis Frantz

Mais le film parle essentiellement d’autre chose. De ses victimes qui grâce à l’association « La parole libérée » sont parvenues à dépasser cette expérience traumatique. A commencer par François, interprété par Melvil Poupaud. Catholique pratiquant, père de cinq enfants, ce cadre financier en loden qui a bien réussit dans la vie et est marié à une professeur d’école catholique est le premier à demander des comptes. Mais l’administration ecclésiastique jusqu’au Cardinal de Lyon : Monseigneur Barbarin ne semble pas disposer à faire plus que d’enregistrer sa plainte. Lui proposant un face à face pénible et surréaliste avec son bourreau. Cette partie, véritable voyage sur la planète catho (pour ceux qui comme l’auteur de ses lignes la connaissent mal), à grand renfort de plans d’église et de famille Cyrilius est visuellement la plus frappante du film. Le vieux Lyon et bâtiments paroissiaux, souvent filmés en panoramique verticaux, la nimbe d’une spiritualité presque inquiétante.

La seconde partie, met en scène François, interprété par Denis Ménochet (Inglourius Basterd, Marie-Madelène, Jusqu’à la Garde…), qui médiatise l’affaire, créé l’association rassemblant les témoignages de victime « la parole libérée » et lance l’action en justice. Celle là même qui en 2015 provoquera le commentaire désespérant du cardinal Barbarin lors d’une conférence de presse : « Grâce à Dieu, les faits sont prescrits. »

Plus classique, cette partie emmène le récit vers les fondamentaux du film d’enquête. On pense à Spotlight bien sûr mais aussi à des films français moins réussit comme l’Affaire SK1 ou XXXXX. Est-ce les maillots de polo de Ménochet ou la multiplication des scènes obligées et dispensables (ou l’inverse) ? La tension est un peu diluée jusqu’à l’arrivée de Swan Arlaud (César du meilleur acteur en 2018 pour dans Petit paysan).  Il incarne une victime d’un tout autre milieu social, un marginal rock’n’roll, rongé par le souvenir de ce prêtre, et épaulé par une mère dévastée, Josianne Balasko, incroyable.

Ozon, a longtemps réalisé un film par an avec un regard corrosif et décalé (Sous le Sable, Potiche, Jeune & Jolie…). On sent dans son cinéma quelque chose de plus frontal et sans doute moral depuis Frantz, qui évoquait la première guerre mondiale…

Ces deux tendances semblent s’affronter dans Grâce à Dieu.

Le solide film d’enquête sérieux et documenté, et le grand film tout court quelque part entre Coppola et Pasolini, qui s’y côtoient sans que l’un prenne le par sur l’autre. C’est sa limite mais ce n’est déjà pas si mal.

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