Giacometti

Se faire une toile

Cult. La peinture c’est visuel et le cinéma aussi. Du coup les films sur les peintres sont devenus un genre à part entière. Mais a-t-on toujours envie de passer 90 minutes devant ces toiles ? Panorama à l’occasion de la sortie de Alberto Giacometti, The Final Portrait de Stanley Tucci. 

Temps de lecture 5min

Par Jacques Braunstein et Franck Lebraly

Si Giacometti est surtout connu pour ses sculptures filiformes, il est également l’auteur de nombreux portraits tracés d’un pinceau noir et mélancolique. Le nouveau film de l’acteur-réalisateur Stanley Tucci s’inspire du livre de James Lord, critique américain qui a posé pour lui en 1964. 18 longues séances durant lesquelles l’artiste, perfectionniste et perpétuellement insatisfait, effaçait chaque soir ce qu’il avait peint l’après-midi telle une Pénélope de Montparnasse. La reconstitution est plutôt réussie et Geoffrey Rush* fait le job, même si son accent en Français semble bien plus australien que suisse-italien (la nationalité de l’artiste). On se demande encore une fois ce que les réalisateurs trouvent à cette grande andouille d’Armie Hammer (Call Me By Your Name, Nocturnal Animals…) alors que les bonnes surprises viennent plutôt du casting féminin. Sylvie Testu s’avère parfaite en épouse délaissée qui ne se laisse pas abattre et Clémence Poésy se révèle à contre-emploi, en muse fofolle et lumineuse. Quant à la question de savoir si 18 séances de poses ce n’est pas un peu long et répétitif… Sa réponse est malheureusement oui.

*Peinture toujours, Geoffrey Rush et Clémence Poésy sont également à l’affiche de la série Genius : Picasso  avec Antonio Banderas dans le rôle titre, actuellement diffusée sur National Geographic.

BASQUIAT (1996)

Pour raconter le destin de Jean-Michel Basquiat, rock star de la peinture mort d’une overdose à 28 ans, personne n’était mieux placé que Julian Schnabel peintre lui-même qui était son ami, admirateur et concurrent au sein de la Figuration Libre des années 80. Plutôt que de s’appesantir sur ce que peint l’artiste, il sait montrer où, quand et comment il le peint et fait de New York, la ville qui a accouché de leur génération de plasticiens, un personnage à part entière.

David Bowie campe un Andy Warhol pingre, jaloux et hilarant. Courtney Love fait un amusant caméo dans le rôle de Madonna. Et la bande-son rassemble PIL, Charlie Parker, John Cale, The Psychadelic Furs ou Tom Waits. Seule petite coquetterie discutable, Schnabel s’est choisi pour interprète Gary Oldman qui fait bien 100 kilos de moins que lui.

BIG EYES (2014)

Avec ses personnages aux yeux immenses et aux traits naïfs, Walter Keane est sans doute un des peintres les plus kitchs du vingtième siècle. Ses tableaux, avec ceux de Bernard Buffet et de Toffoli, ont été reproduits en poster à des millions d’exemplaires. Et des générations de murs de salle à manger ne leur disent pas merci.

Mais, pour couronner le tout, Walter Keane s’est révélé être un escroc qui n’a jamais rien peint et se contentait de signer les toiles de sa femme Margaret… S’en est suivi un procès retentissant dont le réalisateur Tim Burton (Mars Attack, Alice au Pays des merveilles…) se délecte avec son mauvais esprit habituel. Christopher Waltz (Inglourious Basterds, Carnage) campe ce personnage taillé pour lui avec jubilation, alors qu’Amy Adams (American Bluff, Premier Contact…) compose une Margaret plus subtile. Un bon film sur des croutes, une gageure !

FRIDA (2002)

Salma Hayek campe Frida Kahlo, un rôle sur mesure pour l’actrice mexicaine, un film qu’elle a voulu, mis dix ans à faire exister et produit. Parvenant à modeler ses formes folles pour les transformer en un corps meurtri et chétif. On regrette d’ailleurs que cette question du corps ne soit que survolée par la réalisatrice Julie Taymor, qui égraine trop la chronologie passive et convenue de la vie de l’artiste…

Heureusement zébrée de scènes surréalistes, peintures vivantes aux couleurs des toiles de Frida Kahlo et Diego Rivera son mari. Le film fait malgré tout découvrir le destin mouvementé d’une icône aux multiples facettes, femme en avance sur son temps préparant sa révolution dans un monde d’hommes. Femme dont l’art se révèle autant dans sa vie que dans ses toiles.

POLLOCK (2000)

Un style bien académique pour cette première réalisation de Ed Harris, acteur à la filmographie irréprochable (L’étoffe des héros, The Truman show, A History of Violence…). Après avoir vu Pollock, on n’en sait pas beaucoup plus sur l’homme qui inventa le Dripping. À part sur son penchant pour les femmes et l’alcool qui le faisait flirter avec une démence qu’il inclut à son processus de création.

Le film n’évoque pas non plus son rapport à l’art chamanique, mais se concentre sur les méandres du milieu de l’art et sur ses rouages mercantiles. Ce Pollock a le mérite d’éviter les clichés hollywoodiens et les artifices. Brut, filmé à la manière d’un film noir, il laisse le spectateur un peu seul, comme devant laisser libre court à son imagination face à un tableau.

RENOIR (2012)

On entend les cigales et le murmure du vent, la palette est sublime… Renoir de Gilles Bourdos avec Michel Bouquet excelle dans la simplicité. Les couleurs, la lumière qui danse dans les près, on est dans une toile du maître. Le film le montre déclinant qui va signer la fin de l’impressionnisme. Il présente sa muse rousse (Christa Theret) à son fils (Vincent Rottiers) de retour du front. Nous sommes en 1915, et dans cet écrin doré on ne veut pas entendre le bruit de la guerre. Alors que Renoir, Auguste, couve du regard Renoir, Jean, futur génie du cinéma…

 

 

 

 

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