Ce que pensent les femmes
Ne vous fiez pas au titre,
ce n’est pas une énième pseudo-comédie romantique.
C’est bien, bien mieux.
Par Perrine Quennesson
Temps de lecture 4 min.
Lors du tour promo de Séduis-moi si tu peux !, Charlize Theron et Seth Rogen sont passés par l’émission de Cyril Hanouna. Lors d’une séquence, par surprise – pas forcément une bonne à voir la tête de la demoiselle – le présentateur avait fait la bise à l’assistante de l’actrice. Cette dernière avait réagi immédiatement en lui disant, poliment mais fermement, que la prochaine fois il devrait demander la permission à la personne concernée avant de la toucher. Cela pourrait paraître anodin: un bon buzz, une gifle métaphorique à un rustre et une Charlize Theron droite dans ses baskets de féministe, le tour est joué. Mais c’est en réalité totalement à l’image de Séduis-moi si tu peux !
Le film cache
des trésors de réflexion
sur la charge de la femme
Sous couvert d’une comédie romantique classique où une belle femme au job incroyable et à la garde robe encore plus folle tombe amoureuse d’un brillant jeune homme désœuvré et fauché, le film cache en réalité des trésors de réflexion sur la charge de la femme, une vision méliorative de la relation amoureuse hétérosexuelle, une charge contre le faux semblant (en politique ou ailleurs) et beaucoup de très, très bonnes vannes. Sur un rythme proche de la screwball comedy (Capra) avec quelques éléments du slapstick (Chaplin). Le film s’intéresse à Charlotte Field, plus jeune secrétaire d’état des Etats-Unis et candidate à la présidentielle, qui va engager Fred Flarsky, journaliste à la plume acérée qui vient de perdre son emploi afin qu’il lui écrive ses speechs. Ils se connaissent depuis l’enfance mais ne s’étaient pas revu depuis l’adolescence. Bien sûr, spolier alert, au contact constant l’un de l’autre, en dialogue permanent, l’étincelle va naître entre eux.
Cousu de fils blancs? Peut-être un peu mais c’est aussi une convention du genre. Le fond s’avère lui bien plus surprenant. A travers son métier de secrétaire d’état, Charlotte incarne, de manière exacerbée, ce que toutes les femmes vivent : elle doit être, aux yeux des électeurs, à la fois belle, apprêtée mais accessible, drôle mais pas exubérante, intelligente mais pas au point de faire peur. Elle doit tout gérer en même temps. On lui fait clairement comprendre qu’elle serait bien plus appréciée si elle était avec un homme et elle doit anticiper la façon dont les actions des autres vont se répercuter sur elle. Séduis-moi si tu peux ! est conscient de cet état de la charge mentale (et physique) des femmes, en joue intelligemment et rend ainsi le personnage de Charlotte particulièrement juste et attrayant, et n’en fait pas un énième objet de désir. De même, le couple qu’elle va former avec Fred, qui est un personnage tendre et honnête, en perpétuelle évolution, est un couple positif dans le sens où le personnage masculin ne demande pas au personnage féminin de faire un trait sur sa carrière pour lui et, au contraire, la soutient, l’accompagne et l’admire. Séduis-moi si tu peux ! est une version progressiste de la comédie romantique qui n’en oublie cependant jamais l’essentiel, être romantique et comique. Et puis un film qui commence dans une réunion de suprématiste blanc où un personnage se fait appeler « Aryena Grande » ne peut que fondamentalement être drôle.
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