Javier Bardem

« Rater le mieux possible ses métamorphoses »

A l’occasion du festival du cinéma espagnol de Nantes,
Somewhere\Else a assisté à la conférence de presse et à la Masterclass
de Javier Bardem, lors desquelles il est revenu sur sa carrière et a évoqué son prochain film,
Dune de Denis Villeneuve.

Par Garance Lunven

Temps de lecture 5 min.

Accueilli en grande pompe à l’Opéra Graslin de Nantes début avril, l’acteur espagnol demande aux régisseurs de rallumer la lumière dans la salle, « pour mieux voir le public » qui vient l’écouter ce soir. Dans la bonne humeur, Javier Bardem enchaîne plaisanteries et imitations pour répondre aux questions des spectateurs et de son ami José Luis Rebordinos, directeur du Festival de San Sebastián. Il renouvellera l’exercice à deux reprises, et ces longues interviews valent bien un papier.

prochainement
A l’affiche de Dune,
le remake de Denis Villeneuve

Ses premiers pas devant la caméra, Javier Bardem les a fait à 6 ans, encouragé par sa mère Pilar. Chez les Bardem, le cinéma est une histoire de famille. De sa mère à ses arrières grands-parents, en passant par son frère Carlos et sa sœur Mónica, être acteur est un héritage… qui n’a pas toujours été facile à porter. « Ma mère était une actrice vivant seule», confie-il.

«Elle s’occupait de ses 3 enfants dans une Espagne franquiste et devait jouer pour mettre de la nourriture dans nos assiettes. Mais c’est aussi grâce à ça que j’ai appris que le cinéma est une façon de militer, de raconter la vie. Ce n’est pas simplement un métier qu’on fait, mais un métier pour lequel on vit et on souffre. »

Très vite, l’acteur est remarqué par des pointures de la réalisation espagnole, dont Bigas Luna, qui lui confie des rôles dans Les Vies de Loulou (1990), Jambon, Jambon (1992) puis Macho (1993). « C’est à lui que je dois ma carrière », commence Javier, « et ma femme Penélope Cruz, que j’ai rencontrée sur le tournage de Jambon, Jambon ». Des films érotiques et provocateurs, l’acteur pense d’ailleurs qu’ils seraient interdits dans le contexte actuel : « c’est fou comme, de nos jours, les artistes sont scrutés à la loupe de manière rétrograde. »

De ces collaborations avec multiples réalisateurs espagnols naîtra chez l’acteur une volonté d’être ambassadeur de sa culture et défenseur de sa langue. « Pour moi, doubler un film est un crime, s’exclame-t-il. C’est comme si on doublait la voix de Bob Dylan, ça n’a aucun sens ! ».

Il dénonce également les obstacles auxquels doit se confronter le cinéma de son pays natal. «Il existe en Espagne un manque d’intérêt flagrant de la part des institutions, ainsi que d’une partie du public », explique l’acteur. « On fait des bons et de mauvais films, mais on a tendance à mettre uniquement en exergue ceux qui sont mauvais… ». Comme pour nous confier quelque chose, il se penche vers le public et avoue : «En vérité, nous sommes très jaloux du cinéma français en Espagne ». Quelques noms et titres disséminés ça et là témoignent de son admiration : Chabrol, Belmondo, Les Amants du Pont-Neuf… et Olivier Assayas (Sils Maria, D’après une histoire vraie), avec qui il dit vouloir travailler.

Mais c’est surtout Outre-Atlantique que Javier Bardem a rencontré un vif succès. Dans Skyfall, No country for old men, ou encore Loving Pablo, il collectionne les rôles de psychopathes et de méchants aux pulsions meurtrières. «La métamorphose est une part essentielle de mon travail », révèle-t-il. « C ‘est le rêve de chaque acteur, mais personne ne le réussit vraiment, car il est impossible de s’abstraire soi-même de son travail ».

Une réflexion qui résonne avec son nouveau rôle dans l’adaptation de la saga de science-fiction Dune par le réalisateur Denis Villeneuve. Il y interprétera Stilgar, leader de la tribu Fremen survivant sur la planète Dune. Engagé auprès de Greenpeace et MSF, Javier ne peut s’empêcher de faire une lecture environnementale de cette histoire. « Pour moi, ce film raconte ce qui arrive quand les hommes ne prennent pas soin de la Terre et exacerbent les différences sociales. »

Sur un ton plus léger, il a également raconté sa rencontre ratée avec Robert de Niro ou l’épisode de la machine à pets pour piéger Johnny Depp. Pour finir par nous confier, un sourire taquin en coin, que le rôle de ses rêves a toujours été celui de la « Chicabond » (la femme de James Bond) « que j’ai un peu joué dans Skyfall où Sam Mendes m’avait teint en blonde… »

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