Trois souvenirs de Krzysztof Penderecki

Le compositeur polonais Krzysztof Penderecki est mort ce 29 mars à l’âge de 86 ans.
Vous ne connaissiez peut-être pas son nom, mais sa musique est associée
à plusieurs grandes images de cinéma. En voici une sélection.

Par Caroline Veunac

Temps de lecture 10 min.

“Polymorphia” dans Shining (1980)
Souvenez-vous : un Jack Torrance (Jack Nicholson) complètement loco poursuit sa femme Wendy (Shelley Duvall), armée d’une batte de baseball, dans les escaliers de l’hôtel Overlook. En arrière-plan, une petite musique métallique monte en intensité pour nous mettre les nerfs à vif. C’est Polymorphia, composée par Krzysztof Penderecki en 1961, et choisie par Stanley Kubrick. Ensemble de 48 instruments à corde, ce morceau illustre la recherche bruitiste de Penderecki, adepte de la musique atonale et sérielle qui travaillait avec son propre système de notation, inspiré des encéphalogrammes. Plutôt qu’une mélodie, cette suite de clusters, de demi-tons et de glissandi provoque, par sa dissonance-même, une sensation de hantise particulièrement anxiogène. Le thème avait d’ailleurs déjà été utilisé par William Friedkin dans L’Exorciste en 1973.

Polymorphia

Extrait : Shining

“Symphonie n°3 : Passacaglia – Allegro Moderato” dans Shutter Island (2010)
Nous sommes au début du film de Martin Scorsese, lorsque les marshals Teddy Daniels (Leonardo di Caprio) et Chuck Aule (Mark Ruffalo) arrivent sur l’île où se dresse, menaçant, l’hôpital psychiatrique de haute sécurité où ils vont mener leur enquête. Alors que leur jeep file au pied du sinistre bâtiment cerné de barbelés résonne la musique à la fois inquiétante et martiale de Penderecki. Issu de sa Symphonie n°3, composée entre 1988 et 1995, cet air mémorable témoigne de l’évolution de son travail. À partir du Requiem polonais composé au début des années 80, le musicien renoue avec le classicisme, et son œuvre prend même des accents post-romantiques qui s’accordent parfaitement bien à l’emphase scorsesienne.

Symphonie n°3 : Passacaglia – Allegro Moderato

Extrait : Shutter Island

“Thrène à la mémoire des victimes d’Hiroshima” dans Twin Peaks, the return (2017)
Comment oublier la déflagration provoquée par la scène de la bombe dans l’épisode 8 de Twin Peaks, the return, chef-d’œuvre toutes catégories confondues des dix dernières années ? David Lynch nous emmène au Nouveau-Mexique pour nous plonger, littéralement, au cœur d’un champignon nucléaire, et c’est la musique de Krzysztof Penderecki qui nous sert de guide. Monument de sa période sérielle, composé en 1960, Thrène aux victimes d’Hiroshima semble avoir été fait pour accompagner les visions expérimentales de Lynch, où, comme dans cette musique d’outre-monde, la beauté radicale cohabite avec l’effroi le plus absolu. Que l’œuvre de Penderecki ait été écrite en hommage aux victimes d’Hiroshima contribue évidemment au sens de la scène, où Lynch fait de la bombe la source du mal. Le réalisateur, qui avait déjà utilisé Penderecki dans Sailor et Lula et Inland Empire, s’est d’ailleurs fendu d’un tweet pour saluer sa mémoire. L’accolade d’un génie du cinéma à son homologue musicien.

Thrène à la mémoire des victimes d’Hiroshima

Extrait : Twin Peaks, The return

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