Pour le pire mais en meilleur

You’re the worst

Série. La création attachante et débraillée de Stephen Falk revient pour une cinquième et dernière saison. Et si cette série discrète était la meilleure comédie romantique de la télévision ?

Temps de lecture 4min

 Par Julien Lada

Comme dans beaucoup de comédies romantiques, Jimmy (Chris Geere) et Gretchen (Aya Cash) se rencontrent à un mariage. Lui, écrivain raté qui survit comme gratte-papier dans des magazines bas de gamme, vient se venger de la mariée qui l’a plaquée quelques années plus tôt. Elle, manager d’un trio de rappeurs dysfonctionnel, accompagne la sœur de ladite mariée en traînant les pieds. Soudain, alors qu’il se fait virer de la réception et qu’elle se fait la malle avec l’un des cadeaux des époux, »leurs regards se croisent »…

“Grâce à l'intemporel bouche-à-oreille, la série de Stephen Falk a pu, au fil des années, se construire une solide réputation et bénéficier de critiques élogieuses.

You’re the Worst, création de Stephen Falk, scénariste ayant officié sur les déjà hors normes Weeds et Orange is the New Black, est arrivée en 2014 sur la pointe des pieds sur la prestigieuse FX (avant d’être reversée sur sa petite sœur FXX dès sa saison 2). Grâce à l’intemporel bouche-à-oreille, la série de Stephen Falk a pu, au fil des années, se construire une solide réputation et bénéficier de critiques élogieuses.

On peut même se demander si cette série n’a pas réinventé la comédie romantique, alors dans une impasse commerciale et créative qui semblait insoluble. On note que la situation s’est améliorée depuis que Netflix et consorts ont investi le genre. Pourtant, la série aligne quasiment tous les éléments d’une comédie romantique classique : une suite ininterrompue de « Suis-moi je te fuis / fuis-moi je te suis », des sidekick-confident(e)s apportant une plus value comique, un goût immodéré pour les bandes-sons contemplatives… et une flopée d’incongruités sociologiques que le spectateur accepte sans broncher comme des conventions. Comme dans un film avec Hugh Grant, Jimmy habite dans une demeure luxueuse bien au-dessus de ses moyens d’écrivain has been. Gretchen, elle, manage un groupe de rap dont on ne mesurera jamais la popularité…

C’est justement parce que Stephen Falk et son équipe de scénaristes maîtrisent parfaitement les codes du genre que You’re the Worst fonctionne. Elle n’en a jamais dévié ou cherché à raconter quelque chose d’autre. Même son apparence trash, faite de sexe, d’alcool et de nihilisme, se révèle vite être une façade. You’re the Worst est avant tout une grande série mélancolique sur la peur de l’engagement dans le monde contemporain. Est-il encore possible de vivre une relation amoureuse stable quand on est soi-même sujet à la précarité ?

Love, sur Netflix justement, auscultait également cette génération amoureusement déboussolée. Mais le diagnostic de You’re the Worst est plus profond. Elle accepte l’idée qu’on puisse détester le couple à l’eau de rose et ses papouilles, et plus encore la solitude, plutôt que d’arbitrer en faveur de l’un ou l’autre. Aussi faussement cynique que ses personnages, la création de Stephen Falk fait rire, agace parfois et émeut souvent. La série met surtout le doigt sur le malaise profond d’une génération qui finit par rejeter le monde dans lequel elle ne se sent pas acceptée.

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