Dune versus Foundation

Qui modernise le mieux la science-fiction du XXe siècle ?

À une semaine d’intervalle nous arrivent deux blockbusters de SF adaptés de romans du siècle dernier, Dune et Foundation, l’un cinématographique, l’autre télévisuel. Quelles sont les similitudes et les différences entre ces deux fictions futuristes ? La réponse en quatre éléments clés.

Par Caroline Veunac

20 septembre 2021

Temps de lecture 5 min.

 

Foundation

Le roman d’origine : Franck Herbert versus Isaac Asimov

Dune et Foundation en sont la preuve : notre vision du futur continue d’être conditionnée par l’imaginaire d’écrivains nés dans les ruines de la Première Guerre Mondiale. Sorti en 1965, Dune est signé Frank Herbert, qui vit le jour en octobre 1920 dans l’État de Washington ; neuf mois seulement après Isaac Asimov, originaire lui de Petrovitchi, en Russie, qui publiera Foundation en 1951. Les œuvres de science-fiction des deux écrivains américains (Asimov fut naturalisé dès son plus jeune âge après l’installation de ses parents aux États-Unis) sont nourris du trauma civilisationnel que constitua la Grande Guerre, et s’interrogent, en nous projetant très loin dans le futur (10 191 ans après notre ère pour Dune et 22 000 pour Foundation) sur la survie de l’espèce humaine et sa perpétuation sur des planètes inconnues. Chacune constituée de plusieurs tomes, ces sagas littéraires sont devenues des classiques convoités par les studios de cinéma. Déjà adaptée en 1984 par David Lynch, Dune a néanmoins une longueur d’avance en termes d’ancrage dans la culture populaire.

La philosophie : Bene Gesserit versus Psychohistoire

À la manière de Star Wars, dont les héros sont guidés par la force – et dont le créateur, George Lucas, aurait d’ailleurs été inspiré par le roman d’Asimov –, Dune et Foundation inventent des empires galactiques complexes animés par une philosophie sous-jacente. Dans Dune, la trajectoire du jeune Paul Atréides consiste en partie à comprendre et à maîtriser les arcanes du Bene Gesserit, un ordre ancestral exclusivement féminin, dont sa mère en a fait le seul héritier mâle. Quant à l’intrigue de Foundation, elle repose sur la psychohistoire, une science développée dans les années 12 000 par un mathématicien, Hari Seldon, pour prédire l’avenir – dans le but de permettre la constitution d’un nouvel empire. Le film et la série incorporent dans ces deux savoirs fictionnels nos préoccupations les plus actuelles, de l’urgence climatique au terrorisme en passant par l’évolution des rapports de force entre hommes et femmes. Dans cet exercice qui consiste à prolonger nos angoisses immédiates dans un futur lointain, Dune, avec son désert à la chaleur implacable, ses patriarches finissants et ses armées mortifères, tire son épingle du jeu par sa puissance d’évocation.

Le maître d’œuvre : Denis Villeneuve versus David S. Goyer

Aux manettes, deux pointures. Côté Foundation, c’est David S. Goyer, vieux routard de la télé, créateur notamment de FlashForward et producteurs de nombreuses séries de SF, qui supervise les opérations. S’il travaille entouré d’une équipe de scénaristes et de réalisateurs, on retrouve quand même dans la série son goût pour les temporalités multiples. Quant à Dune, il est orchestré par Denis Villeneuve, nouveau golden boy de la science-fiction d’auteur, après Premier Contact et Blade Runner 2049. Il a co-écrit le script avec John Spaihts et Eric Roth, et le look du film doit aussi beaucoup aux efforts de la direction artistique, de la déco et des costumes… mais Villeneuve reste le grand démiurge de cette œuvre à la mise en scène ambitieuse, monumentale et dépouillée comme une tragédie antique. Visuellement, il n’y a pas photo : Dune l’emporte en majesté sur Foundation, qui ne peut même pas se distinguer par son caractère feuilletonnant, puisque d’autres volets de Dune, et même un spin-off sériel du film, sont en cours de développement.

La tête d’affiche : Timothée Chalamet versus Lee Pace

Difficile de lutter contre Timothée Chalamour (pour les intimes), la jeune star la plus buzzée d’Hollywood, avec son look de petit prince aux cheveux d’ébène, tout en beauté androgyne et regards intenses. De fait, l’acteur de Dune est très bien dans la peau de Paul Atréides, personnage juvénile et messianique qui se retrouve confronté, comme le veut la loi du genre, à la responsabilité d’embrasser son destin. Mais Foundation se défend bien avec l’excellent Lee Pace, déjà génial dans Halt and Catch Fire. Cette fois, l’acteur, particulièrement bon quand il s’agit de jouer de séduisants connards, hérite d’un rôle particulièrement tordu (créé de toutes pièces par les auteurs de la série) : celui de Brother Day, le clone le plus matures de l’empereur, également représenté par des versions enfant et senior de lui-même. Sa prestation est jubilatoire. Du côté des rôles secondaires, film et série sont au coude à coude, avec Oscar Isaac et une Zendaya malheureusement sous-exploitée du côté de Dune ; contre le toujours impeccable Jared Harris, et la chouette nouvelle venue Lou Llobell du côté de Foundation. Allez, égalité.

 

Dune, actuellement en salle

Foundation, sur Apple TV+ à partir du 24 septembre

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