Fresh Meat sur Canal +

Six étudiants dans le vent

Les quatre saisons de Fresh Meat, signée Jesse Armstrong et Sam Bain, débarquent sur Canal+. L’occasion de découvrir cette série de 2011, variation british sur la vie estudiantine, qui tient à la fois d’un Friends à la fac en plus cru, et de Judd Apatow en plus dingo. Anglaise, quoi.

Par Perrine Quennesson

Temps de lecture 05 min

Fresh Meat

Bande-Annonce

Septembre 2011 : six étudiants de Manchester, Howard, Vod, Kingsley, Josie, JP et Oregon, font leur rentrée sur Channel 4. La série s’appelle Fresh Meat, et va durer quatre saisons, sous la supervision de Jesse Armstrong, internationalement célébré depuis grâce à la saga familiale Succession. Phénomène Outre-Manche, Fresh Meat, sans doute portée par le succès de son créateur, franchit aujourd’hui les frontières pour arriver chez nous sur Canal+ (après un passage par la case Netflix). Avec son humour abrasif et un sens aigu de la réalité, cette chronique des premiers pas tremblants d’une poignée d’adulescents vient s’inscrire dans notre imaginaire au rayon « série étudiante », cette tribu coincée entre deux âges, moins populaire que la prolifique série pour ados, et moins autoritaire que la crâneuse série de la maturité. En guise de mise en bouche, on a identifié les ingrédients qui font la saveur unique de Fresh Meat.

Nostalgico-trash comme du Judd Apatow

Au tournant des années 2000, Judd Apatow donnait sa version de la vie étudiante dans Undeclared (Les Années Campus en VF). Une série relativement méconnue, qui confirmait pourtant avec talent l’étonnant mélange de tendresse et de trivialité dont témoignait un an plus tôt son chef-d’œuvre télévisuel, Freaks ans Geeks. Comme la série américaine, Fresh Meat évoquent les années post-ado du point de vue d’un auteur qui, ayant passé la trentaine (et même la quarantaine dans le cas de Jesse Armstrong au moment d’écrire Fresh Meat), regarde ce temps des possibles, avant le plongeon définitif vers l’âge adulte, avec un petit air de nostalgie, teinté d’une bonne dose de potacherie. Bitures, école buissonnière et autres tentatives capillaires plus ou moins fructueuses… Sur le chemin de la découverte de soi, le quotidien d’Howard, Vod, Kingsley, Josie, JP et Oregon est rythmé par de petites aventures quotidiennes, de voisinage, amicales et sexuelles, qui oscillent entre poésie comique et franche vulgarité. Comme, par exemple, lorsqu’une histoire de dépucelage devient autant la source de blagues lourdes que le point d’orgue d’un mélodrame amoureux qui ne dit pas son nom. Un savoureux cocktail.

Drôle et désabusée comme du Phoebe Waller-Bridge

En 2016, l’actrice-réalisatrice-scénariste-génie Phoebe Waller-Bridge, quelques temps avant d’imposer l’héroïne cynique et déprimée dont le 21e siècle avait besoin dans Fleabag, réimaginait avec malice la notion de coloc étudiante made in England. Loin de l’idéal hors-sol à la Friends (pas vraiment de taf mais un immense appart à Manhattan), les six héros de sa première série, Crashing, élisaient domicile dans un hôpital désaffecté pour pallier aux loyers prohibitifs de Londres. Si la série se distinguait pas sa vision économiquement réaliste de la vie des jeunes adultes, elle reprenait quand même le credo solidaire du générique de Friends, « I’ll be there for you », en obligeant ses six personnages diamétralement opposés à se serrer les coudes dans l’adversité. Phoebe Waller-Bridge s’est-elle inspirée de Fresh Meat ? C’est ce qu’on soupçonne en redécouvrant la série de Jesse Armstrong, qui, sans rien perdre de son humour, tape au passage sur la précarité des étudiants britanniques dans une économie en berne, et montre, de saison en saison, le poids du patrimoine de chacun sur les opportunités. Sans oublier de mettre l’accent sur le collectif comme seul rempart à cette violente réalité. No future, oui, mais en mode bière-pong.

Malaisante et subtile comme… du Jesse Armstrong 

Dialogues ciselés, sens du malaise, humour à froid réglé comme une montre suisse, capacité à prendre en charge le réel pour mieux poser les questions qui fâchent : de Peep Show et The Thick of it, ses premières séries, à la tornade Succession, qui l’a emmené jusqu’à Hollywood, Jesse Armstrong a su imposer un style immédiatement reconnaissable. Un style que l’on retrouve dans Fresh Meat, co-écrite avec son collègue de Peep Show Sam Bain. Acide mais pas simpliste, le talent d’Armstrong lui permet ici d’aborder des sujets souvent tabous – de la culture du viol au nazisme en passant par le racisme et l’abus de faiblesse -, sans jamais tomber dans le moralisme ou la complaisance. Sa botte secrète ? Des personnages faussement cliché, qui révèlent peu à peu leur épaisseur. À l’instar de la terrible famille Roy de Succession, Howard le geek, Vod la rebelle, Kingsley le timide, Josie la coincée, JP l’enfant gâté et Oregon l’intello sont des archétypes qui évitent les stéréotypes, et gagnent en dimension à chaque épisode. Expert en casting, Armstrong orchestre un ensemble hétérogène d’acteurs qui s’émulsionnent mutuellement. Zawe Ashton, Jack Whitehall, Charlotte Ritchie, Greg McHugh, Kimberley Nixon, Joe Thomas : ou comment revivre ses années de fac en excellente compagnie.

Fresh Meat est disponible sur Canal+ et MyCanal

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