Triple Frontier

Avec armes, haine et violence

Film. Un casting de rêve pour un cinéaste qui n’en finit plus de prouver qu’il est indispensable au cinéma américain. Un coup de maître pour la plateforme de VOD !

Temps de lecture 3min

Par Perrine Quennesson

Quel pedigree! En dix ans, et avant de s’achever sur Netflix, l’histoire de Triple Frontier est passée entre les mains de Kathryn Bigelow et Mark Boal (Démineurs, Detroit), Tom Hanks, Johnny Depp ou encore Mark Wahlberg. Si les deux premiers sont coproducteurs, et même co-scénariste pour le second, c’est finalement J.C Chandor qui a atterri derrière la caméra. C’est lui qui est chargé de diriger des acteurs de premier plan : Oscar Isaac (Star Wars, Annihilation), Ben Affleck (Batman VS Superman, Argo), Charlie Hunnam (Pacific Rim, Papillon), Garrett Hedlund (Tron, Billy Lynn) et Pedro Pascal (Narcos).

Quand Ocean’s Eleven rencontre Sorcerer

Ce club des cinq incarne un groupe d’anciens militaires éprouvés par le service et laissés tomber par leur pays. Alors qu’ils tentent de se réintégrer à la société comme ils le peuvent, l’un d’entre eux leur propose un plan d’enfer : faire tomber un baron de la drogue et, au passage, se servir dans ses caisses pour assurer leurs vieux jours. La vieille camaraderie refait surface, le goût du risque aussi et la perspective d’un avenir meilleur finit de séduire la fine équipe qui embarque pour le Brésil.

Mais ceux qui connaissent le style Chandor savent bien qu’il faut se méfier de ce dont ses films ont l’air. Le réalisateur s’amuse à tordre les codes pour finalement questionner les pires travers de son pays natal, les Etats-Unis. Et après l’anti-Wall Street qu’était Margin Call, le film catastrophe intime et presque abstrait All is Lost et le faux film de gangster A Most Violent Year, le cinéaste détourne cette fois le film de casse pour en faire un pamphlet sur la cupidité américaine. Cet appât du gain qui pousse les US à se draper du voile de défenseurs de la paix et à multiplier les opérations extérieures pour, en réalité, servir leurs propres intérêts. Un impérialisme sans frontières qui, au bout du compte, apporte plus de troubles que de réelles avancées pour le pays « aidé ». Voire pour les Etats-Unis eux-mêmes.

Car nos cinq héros de guerre, une fois détachés de la bride patriotique et abandonnés tels des Rambo post-modernes, se révèlent en personnages amers, égoïstes, dangereux et déshumanisés. Coupé en deux, Triple Frontier déstabilise un spectateur en quête de castagnes ou de récits à la Narcos, abandonnant rapidement ses prémisses de film d’action sur les cartels. Ce n’est pas ce qui l’intéresse. Après une première partie fascinante de présentation suivie d’un casse particulièrement tendue, succède, pendant plus d’une heure, un voyage retour chaotique et laborieux. Plus proche du chemin de croix que d’une descente des Champs-Élysées, nos super-soldats vont y apprendre le prix de leur arrogance et payer leur dette.

Conte moral s’il en est, Triple Frontier survole un peu trop son contexte sud-américain mais n’en reste pas moins un « Ocean’s Eleven rencontre Sorcerer» initiatique et passionnant.

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