Escobar

Killing Pablo

Film. Escobar avec Javier Bardem et Penelope Cruz est-il le chef d’œuvre définitif sur le plus grand trafiquant de drogue de tous les temps, ou juste un biopic de plus sur une figure paradoxale de la pop culture ? 

Temps de lecture 4min

Par Jacques Braunstein

« Oubliez tout ce que vous croyez savoir. » Le parrain colombien du trafic de cocaïne des années 80 est devenu une telle icône de la pop culture que pour vendre Escobar le nouveau film qui lui est consacré, le distributeur français promet un autre Pablo Escobar.

Et il faut bien cela après l’ange de la mort métaphysique campé par Benicio Del Toro dans Paradis Lost… Le beau gosse de Blow, Cliff Curtis… Le Patron du mal bedonnant de la série colombienne, Andrès Paras… Et l’énigmatique Wagner Moura dans le Narcos de Netflix.

“Loving Pablo envisage le personnage à travers sa relation avec la star de la télévision colombienne Virginia Vallejo”

À croire qu’on ne peut pas être un acteur de premier plan vaguement hispanique sans avoir incarné le plus grand trafiquant de drogue de tous les temps. Doit-on redouter un Si Pablo avait vécu avec Antonio Banderas et un Young Pablo avec Nahuel Perez-Biscayart, alors qu’à Medellin les hauts-lieux du parcours du caïd sont devenus des destinations touristiques courues.

Mais trêve de plaisanterie, voici donc Escobar de l’espagnol Fernando León de Aramoa avec les tout aussi espagnols Javier Bardem et Penelope Cruz, couple vedette à l’écran comme à la ville que l’on retrouvera bientôt dans Everybody Knows d’Asghar Farhadi présenté à Cannes. Loving Pablo (le titre original de cet Escobar) envisage le personnage à travers sa relation passionnelle avec la star de la télévision colombienne Virginia Vallejo. Auteur d’un livre sur son inquiétant amant qui se présente dans le film comme la seule journaliste accréditée auprès des cartels de la drogue.

Ça commence assez mal : mauvais brushing pour Penelope Cruz, mâchoire comme gonflée de coton pour Javier Bardem, voix off omniprésente, rencontre moins électrique qu’espéré. Puis… Pablo Escobar bloque une autoroute avec un camion pour faire atterrir un avion rempli de cocaïne. Et en une seule scène aussi spectaculaire qu’ubuesque, la magie opère. Dans Escobar il est question de sexe et de pouvoir, d’amour et de jalousie. On est happé par le vertige d’une relation malade, les tenues extravagantes de Cruz, la violence bonhomme de Bardem, la mécanique d’une ascension sous une pluie de dollars pour épater la galerie, corrompre les politiques, se faire élire sénateur…

La seconde partie du film égraine la litanie attendue des meurtres et des scènes d’ultraviolence se voulant insoutenables. Et elle se révèle plus convenue, renouant avec la narration déjà vue du triomphe et de la chute du parrain. Et, avant cela, de Tony Montana dans le Scarface de Brian de Palma. Escobar a failli être un grand film politique doublé d’une tragédie intime. Il a choisi d’être un bon biopic. Un de plus.

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