Under The Silver Lake

Lost in L.A.

Film. Grande lessiveuse pop-culturelle, Under The Silver Lake est l’ovni cryptique de ce Festival de Cannes. Présentation. 

Temps de lecture 4min

Par Jacques Braunstein

Sam (Andrew Garfield) regarde le temps passer sur la terrasse de son studio avec vue sur la piscine de la résidence borgne dans laquelle il vit. C’est là qu’il remarque Sarah (Riley Keough), une voisine au physique incendiaire qui dénote dans cet univers de réprouvés d’Hollywood. À peine a-t-il fait sa connaissance qu’elle disparaît et qu’il se lance à sa recherche, de boîtes en soirées et de parcs en passages secrets. Sans jamais vraiment quitter les quartiers hipsters de Silver Lake et Griffith Park.

Under The Silver Lake s’inscrit dans une grande tradition de films malades sur Los Angeles et son miroir aux alouettes. Tradition qui va du Grand Sommeil à Inherent Vice, en passant ces dernières années par Southland Tales et Maps To The Stars

David Robert Mitchell, 44 ans, auteur des honorablement appréciés The Myth of the American Sleepover et It Follows a voulu tout mettre dans son premier film présenté en sélection officielle à Cannes. C’est une grande lessiveuse… Un peu comme si David Lynch (Mulholland Drive) avait écrit un scénario. Que les frères Coen (The Big Lebowski) l’avaient tourné. Et que Quentin Tarantino (Pulp Fiction) l’avait monté. Mais sans que ces derniers ne se soient concertés et n’aient une idée claire sur les intentions des autres. Chaque plan, chaque réplique est surchargé de références pop-culturelles : jeux vidéos des années 80, fanzines, Kurt Cobain, Harvey Weinstein, vieux numéros de Playboy, famille Manson, Jésus, vampires, hobos, rock gothique, acide, Phil Spector, cinéma muet, Le Dahlia Noir. Tout y passe…

Lorsqu’une jeune femme dit à Sam qu’elle aime son t-shirt, c’est justement la seule fois où il en porte un blanc. Comme si, dans ce labyrinthe de signes, c’était la plus grande des originalités d’en arborer aucun.

Andrew Garfield, pas très inspiré et toujours hébété sans qu’on ne sache vraiment par quoi et pourquoi, va de lieu en lieu, mais son enquête piétine. On vogue d’une scène à l’autre dans un brouillard lysergique mais pas désagréable. Et dans la seconde partie du film, toute la salle se laisse couler dans une douce torpeur. Puis les spectateurs la quitte sans vraiment applaudir, ou siffler d’ailleurs. Sonnés mais pas furax. Nul doute qu’une nouvelle génération de cinéphiles se repassera en boucle Under The Silver Lake pour traquer les indices qui saturent chaque image. Voire même que le film obtienne un prix du scénario paradoxal mais défendable… Ou qu’un autre David Robert Mitchell essayera de faire plus compliqué la prochaine fois, et pourquoi pas. Los Angeles n’a pas fini d’accoucher de ces films écrits par des gens qui travaillent douze heures par jour à imaginer des aventures sur ce qu’ils seraient devenus si ça n’avait pas marché. Ce n’est pas l’envers du rêve américain, c’est le rêve américain à l’envers.

VOIR AUSSI