The King – Je voudrais déjà être roi

Adapté de Shakespeare, le second film de David Michôd
pour la plateforme Netflix est une fresque historique qui
repose sur les épaules de Timothée Chalamet. Explications.

Par Lisa Muratore

Temps de lecture 5 min.

The King

Bande-Annonce

On arrête plus la machine Timothée Chalamet. La star montante depuis le sensible Call me By Your Name de Luca Guadagnino, pour lequel il avait obtenu une nomination aux Oscars. L’acteur franco-américain de 23 ans s’illustre cette fois-ci dans une épopée médiévale sur fond de quête de pouvoir. Il interprète Hal, fils de roi ayant fui les responsabilités qu’implique la couronne pour mener une existence où fêtes, alcool et femmes se succèdent. Cette débauche fait alors sa réputation, son père le jugeant incapable de régner et préférant laisser le trône à son jeune frère. Néanmoins, le destin en décidera autrement. Hal finira par s’assoir sur le trône devenant ainsi le noble Henry V, Roi d’Angleterre. Il récupère alors un royaume gangréné par des luttes de territoire incessantes, où la trahison est le maître mot. Pourtant, si cet idéaliste met un point d’honneur à signifier que les batailles de son prédécesseur de père ne sont pas les siennes, il se rendra vite compte du piège qu’est sa couronne.

La colorimétrie sombre, constamment teintée de gris, du film de David Michôd nous plonge dans l’ambiance médiévale dont la noirceur scénographique et humaine puise sa force dans trois pièces de Shakespeare (Henri IV Première & Seconde partie et Henri V). On sent d’ailleurs souvent peser l’influence du théâtre dans les créations du réalisateur australien (War Machine, Animal Kingdom…).

David Michôd, nous plonge dans une ambiance médiévale à la noirceur scénographique et humaine.

Des acteurs habités par leurs personnages
Guidé par des conseillers aux intérêts parfois obscurs, Henry V est embarqué dans une campagne inutile contre les français (Nous sommes en pleine guerre de 100 ans). Et ce n’est pas son unique combat, tout en apprivoisant son nouveau statut, le jeune Roi doit affronter sa propre réputation et tenter de devenir le Monarque qu’il aspire à être.

Cette torture intérieure, Timothée Chalamet la maîtrise parfaitement ; arborant un visage blafard creusé, fermé, ainsi qu’un timbre de voix monocorde. L’acteur réussi à nous emporter (un peu trop) dans sa tempête existentielle. Alors que Robert Pattinson, incarne un Dauphin de France, pervers et condescendant. Un personnage au fort potentiel, dont le charisme n’arrivera finalement pas à s’affirmer. La faute aux accents qui sont un des problèmes du film pour nous français. Henri V, Roi d’Angleterre, parle parfaitement français. Catherine de Valois, dauphine de France (Lily-Rose Depp), parfaitement anglais. Et son frère, Louis de Guyenne (Pattinson), a le drôle d’accent de l’acteur qui a séché ses cours de prononciation. Enfin, le personnage de Falstaff (jadis magnifié en bouffon tragique par Orson Welles) est joué tout en nuance par  Joel Edgerton (Animal Kingdom, Boy Erased, Loving…) qui enfile également la casquette de scénariste et s’est écrit un rôle de vieux guerrier fatigué touchant et d’une grande justesse, ingrédient épique d’un film qui manque parfois de souffle.

Un film épique qui manque de dynamisme
En effet, ce long-métrage se construit autour d’un paradoxe intéressant : sa mise en scène s’étire sur des longueurs parfois inutiles alors que le découpage sec, choisi de masquer certaines scènes primordiales au suivi de l’intrigue. Heureusement la scène finale de bataille est à la hauteur de nos attentes et sera le point culminant du film. On y ressent le poids des armures et l’étouffement des corps lessivés par les combats, comme dans la fameuse Bataille des Bâtards de Game of Thrones. Et l’on imagine aisément que la ressemblance entre les deux a été un puissant argument pour convaincre Netflix. Preneur, comme toutes les plateformes, de tout ce qui ressemble de près ou de loin à la série phénomène. Au point que cette bataille d’Azincourt a été largement réécrite comme l’indique les spécialistes (voir l’article de La Voix du Nord).

The King est donc à voir essentiellement pour les performances d’Edgerton et de Chalamet ,qui parviennent à briser le rythme lancinant de ce film qui manque parfois de dynamisme.

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