Sundance
Forever

A l’ouest, quoi de nouveau ?

Katie Says Goodbye (18 avril) et La Route sauvage (Lean on Pete) (25 avril) partagent un même regard sur l’Amérique et une même esthétique née au Festival de Sundance. Jusqu’à la caricature ?

Par Jacques Braunstein et Lisa Moumni-Barbault

Katie est serveuse dans un Diner pour routier perdu quelque part au milieu de l’Ouest américain. Elle se prostitue occasionnellement pour entretenir sa mère désœuvrée qui passe ses journées à enchaîner les bières et les cigarettes devant la télé.  Pour partir un jour à San Francisco aussi, où elle rêve de devenir esthéticienne (parce qu’elle aime s’occuper des gens mais que médecin c’est trop dur).

Elle tombe amoureuse au premier regard d’un mécano taiseux qui sort de prison. On sait dès les premières images de Katie Says Goodbye que ça finira très mal… et l’on n’est pas déçu.

 

“Une espèce de grammaire automatique du cinéma indépendant américain”

Olivia Cooke vue récemment dans Ready Player One est bouleversante. Tout comme Mary Steenburgen, patronne du Diner au grand cœur. Écriture au cordeau et regard empathique complète un dispositif implacable. Le tout porté par des images de l’Ouest, le vrai. Cabriolet, moto, camion, voiture de police et même train qui se détachent sur la ligne d’horizon. Quand ce n’est pas Katie dans son uniforme rose qui marche seule sur les routes du Nouveau Mexique…

On retrouve les travellings et les plans larges sur les paysages quasi-désertiques de l’Ouest américain (l’Oregon, plus au nord cette fois) dans La Route sauvage (Lean on Pete). Comme l’attention louable pour les destins de « ceux qui ne sont personne. » Ici, c’est un ado orphelin accompagné de son cheval qui est au centre du paysage.

Au début du film, Charley vit à Portland avec son père depuis que sa mère les a quittés. Lorsqu’il décroche un travail chez un dresseur de chevaux de course, il développe un fort attachement pour Lean on Pete, un pur-sang en fin de carrière au nom sursignifiant (« repose toi sur moi » en français). Après le décès de son père, Charley part à la recherche de sa tante installée dans le Wyoming avec pour seul compagnon Lean on Pete, dérobé à son propriétaire pour lui éviter l’abattoir. Charlie Plummer (King Jack ; Tout l’argent du monde) insuffle une véritable candeur à son personnage, les paysages sont magnifiques, l’ambiance tragique…

Katie Says Goodbye de l’américain Wayne Roberts a été présenté à Deauville et Lean On Pete du britannique Andrew Haigh l’a été au Festival de Toronto…

Pourtant, ils partagent cette esthétique née au Festival de Sundance et plébiscitée sur la chaîne du même nom. Une espèce de grammaire automatique du cinéma indépendant américain guère condamnable en soi, mais un peu répétitive à la longue.  Mobile Homes le réalisateur français Vladimir de Fontenay parvenait lui à faire un pas de côté, à décentrer son regard (voir son interview)

Alors que Katie Says Goodbye et Lean On Pete ont en commun les passages obligatoires sur les violences faites aux femmes, aux enfants et/ou aux animaux, les ravages de la bigoterie, du mensonge et de l’ingratitude… Avant, sans trop dévoiler leurs dénouements, de retomber sur des leçons de morale assez basiques. Nos expériences passées façonnent ce que nous sommes… Il faut trancher les liens noués au fil de la vie pour être vraiment libre… On peut aimer et être touchés par tout cela, il est plus difficile de s’en étonner.

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