Sergio et Sergei

Enfermé dans l’espace

Film. Un cosmonaute bloqué dans l’espace, un cubain victime de la crise économique… La comédie satirique et nostalgique d’Ernesto Daranas porte un regard original sur la chute du bloc soviétique.

Temps de lecture 3min

Par Garance Lunven

Mauvaise nouvelle sur la planète URSS ! L’année 1991 sonne le glas du bloc soviétique et entraîne dans sa chute ses alliés comme Cuba. Sergei (Hector Noas) est spectateur de cette transition vers la Russie à bord de la station Mir – il n’y a plus d’argent pour le faire redescendre sur Terre. Alors que Sergio (Tomás Cao) subit la crise économique qui frappe Cuba de plein fouet. Grâce à un équipement radio, il parvient à entrer en contact avec le cosmonaute russe et des personnes du monde entier, dont Peter, un américain d’origine polonaise (Ron Perlman, vu dans La guerre du feu ou Drive). Se forme alors un triangle amical improbable au-delà des frontières politiques, sociales et géographiques.

A la manière d’un film choral, les destins se croisent et les langues s’entremêlent dans ce face-à-face par ondes interposées

Le contraste entre un Cuba à la chaleur écrasante et le froid de l’espace dans lequel gravite ce Robinson Crusoé du cosmos est saisissant. La caméra ne cesse de naviguer entre ces deux paysages. A la manière d’un film choral, les destins se croisent et les langues s’entremêlent dans ce face-à-face par ondes interposées. Les personnages sont les pièces d’une machinerie qui les dépasse et sont les laissés pour compte de l’absurdité de l’Histoire. Sergio doit subvenir aux besoins de sa famille en développant des activités illégales : une distillerie de rhum est installée dans la cuisine. La comédie flirte avec le drame, comme dans l’excellent Good Bye, Lenin! de Wolfgang Becker, dans lequel Christiane se réveille d’un coma de huit mois sans avoir pu assister à la chute du mur de Berlin et aux bouleversement majeurs de la société allemande. Autre détail similaire dans les deux films : l’apparition à point nommé de la pub Coca-Cola, comme signe ultime de la victoire des États-Unis. Sergei a d’ailleurs vraiment existé : Valery Poliakov est le cosmonaute qui détient le record du plus long vol spatial d’un être humain sans interruption (437 jours).

Si Ernesto Daranas Serrano raconte si bien cette histoire, c’est qu’il l’a vécue lui-même depuis La Havane. Les questions sociétales et politiques de son pays d’origine sont au cœur de ses préoccupations depuis Chala, Une enfance cubaineSergio et Sergei est son troisième long-métrage et lui a valu le prix du public au festival Cinélatino de Toulouse en 2018. Ernesto Daranas reconnaît s’identifier à son personnage, fervent communiste et Professeur diplômé en philosophie marxiste. D’où peut-être les quelque fausses notes du film, qui tend à basculer dans la caricature grossière lorsqu’il est question de l’américain biker en Harley Davidson. Narré par la fille de Sergio, qui assure le lien avec les générations actuelles, le film permet au spectateur d’entrer dans une valse exaltante à travers le cosmos.

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