Roubaix, Une Lumière – Tu ne tueras point.

Avec Roubaix, Une Lumière, Arnaud Desplechin retourne dans sa ville natale
et nous plonge dans une enquête policière sombre,
aux connotations religieuses intrigantes.
Décryptage.

 Par Lisa Muratore

Temps de lecture 4 min.

Roubaix, Une Lumière

Bande Annonce

Présenté lors du dernier Festival de Cannes, et inspiré d’un fait divers ayant eu lieu en 2002*, Roubaix, Une Lumière, est l’occasion pour le réalisateur Des Fantômes d’Ismaël, de s’essayer au polar.

Dès les premières minutes du film, nous sommes au cœur du commissariat de Roubaix. On y suit le quotidien du commissaire Daoud, interprété par un Roschdy Zem habité et de sa nouvelle recrue, Coterelle, campé par Antoine Reinartz (120 battements par minutes…). Au détour d’une enquête, ils croisent le chemin de Marie et Claude, couple de femmes suspectées du meurtre d’une voisine octogénaire.

Tu ne tueras point commande la Bible.

Tu ne tueras point commande la Bible. Pourtant, ces deux jeunes femmes ont commis le péché capital et nombreuses sont les connotations religieuses présentes dans le film. Qu’elles soient hasardeuses ou totalement maîtrisées, le réalisateur éparpille les indices. A commencer par le duo Marie (Sara Forestier) et Claude (Léa Seydoux). La première possède le prénom de la Sainte Mère et espère trouver la rédemption par ses aveux. Alors que son amante menteuse et manipulatrice, n’hésitera pas, tel Judas, à accuser Marie de l’intégralité du crime, dans le seul but d’être lavée de tous soupçons. Leur relation est d’ailleurs empreinte de domination, qu’il fût intéressant – parfois frustrant – de voir à l’écran entre deux femmes.

Leurs interrogatoires – qui occupent une importante partie du film – sont présentés comme une forme de confession. Ici, le commissaire Daoud, endosse la fonction du prêtre : sage, humain et calme, il écoute sans jugement le couple expier leur pêché. Visuellement, le lien entre religion et polar, s’observe lorsque Claude s’appuie contre la grille du camion de police évoquant celle du confessionnal. Parenthèses épistolaires, la correspondance entre Louis Coterelle et un prêtre, qui décrit le chemin de croix du bleu dans cette nouvelle ville, ralentit cependant l’intrigue et perd un peu le spectateur.

Desplechin choisi d’entremêler les significations et les interprétations. Loin de l’Eden, le cinéaste nous dépeint une ville sombre et complexe dans laquelle le polar lui permet de faire un portrait riche et contrasté de Roubaix. Renforcé par la musique de Grégoire Herzel qui nous racontait son travail sur ce film lors du Festival de Cannes. La colorimétrie du film ose également des références au feu et à l’enfer. Dès la scène d’ouverture, une voiture en flamme ou lors d’un dialogue nocturne entre Daoud et Coterelle sur le toit du commissariat d’où ils contemplent toute la ville éclairée. On sent l’attachement d’Arnaud Desplechin pour ce Roubaix qui l’a vu grandir, mais qui est devenu depuis une des villes les plus pauvres de France. Il a su employer les codes du polar en leur ajoutant une patte mélancolique et sensible, accouchant d’une œuvre gorgée de spiritualité.

 

*Roubaix, Commissariat Central, affaire courantes, documentaire exceptionnel de Mosco Boucault dans lequel on voyait une des protagonistes de l’affaire avouer en direct (2008).

 

 

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