Pig – Ben mon cochon !

Film. Drôle, délirant et addictif, Pig est un film de sérial killer
iranien comme l’on n’imaginait même pas qu’il en existe.
Explications.

Par Jacques Braunstein

Temps de lecture 5 min.

PIG

Bande Annonce

Qu’on en ait vu un ou vingt, on a une idée assez arrêtée du cinéma iranien. Un cinéma social, réaliste, lent aux couleurs passées. Pig est l’antithèse de tout ce que nous savons sur ce cinéma. C’est un film de genre, surexposé et surdécoupé aux teintes flashies zébrées de néon (mais beaucoup plus beau et maitrisé que ne le laisse penser une bande annonce un peu trop vitaminée).

Film de genre qui dit
beaucoup de choses
sur la société iranienne.

Son héros, Hasan, est un cinéaste respecté mais plus ou moins black-listé, qui en est réduit à tourner une publicité pour une bombe anti-cafard. Alors qu’il traine son vague à l’âme, de fêtes en soirée dans un Téhéran branché qu’on n’imaginait guère, un sérial-killer s’en prend à ses confrères. Tuant les cinéastes de toutes obédiences (y compris le réalisateur de Pig, lui-même, Mani Haghighi). Écrivant « Porc » en farsi sur le front de leur tête décapitée. D’où le titre, Pig, éminemment subversif dans une république islamique. Hasan sorte de Woody Allen rondouillard perpétuellement affublé d’un t-shirt de groupe de hard rock (AC/DC, Kiss…), hésite entre la peur d’être la prochaine victime et la honte de ne pas être sur cette liste paradoxale des cinéastes iraniens qui comptent.

Mani Haghighi, revendique l’influence de Pedro Almodovar, de Bob Fosse (le génial réalisateur de All That Jazz) ou de Tarantino pour les scènes de violence. Ancien scénariste et acteur pour Asghar Farhadi (À propos d’Elly, Une Séparation…), il est déjà l’auteur de quatre films. Le précédent, Valley of the stars (2017) était un polar présenté à la Berlinale comme son nouveau film. Dans Pig, il pioche allégrement dans différents genres, du burlesque, au thriller en passant par la comédie de mœurs et le slasher… Ce choix du film de genre lui permet de dire beaucoup de choses sur la société iranienne. Pig évoque les réseaux sociaux, la censure, l’arbitraire de la police, la place des femmes : fortes, qui prennent leurs propres décisions sans en référer aux hommes, contrairement à ce que l’on voit dans les films de la plupart de ses compatriotes…

Mais le résultat est d’autant plus étonnant et détonnant qu’il s’inscrit dans le contexte d’un pays sur lequel nous avons plus d’aprioris que de connaissances. Dans ses interviews en bonus, Mani Haghighi raconte d’ailleurs comment il négocie avec la censure (ce que certains de ses collègues se refusent à faire, ce qu’il respecte). « J’ai peur des censeurs, mais eux aussi ont peur de moi… » explique-t-il goguenard. Et il affirme que de film en film il parvient à imposer une vision de plus en plus personnel. Pig en est la preuve éclatante.

Epicentre Films: https://www.epicentrefilms.com/dvd-Pig-Mani-Haghighi

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