Music of My Life – Born in the U.K.

Le film de Gurinder Chadha, feel-good movie par excellence,
montre comment le cinéma britannique
se réinvente à travers la minorité indo-pakistanaise.
Décryptage.

Par Paola Dicelli

Temps de lecture 4 min.

Music of My Life

Bande Annonce

Luton, à quelques kilomètres de Londres, 1987. Javed est un ado d’origines pakistanaises, qui grandit entre une famille traditionnelle et un climat social tendu, fait de racisme et de misère période Thatcher. Lorsque l’un de ses camarades lui fait découvrir Bruce Springsteen, c’est la révélation. Il devient son guide spirituel, qui le conduira vers un destin autre que celui choisit par son père … On en voit fleurir plusieurs depuis quelques mois déjà, ces longs-métrages qui bousculent les codes « white-only », pour mettre en avant une minorité, pourtant très importante au Royaume-Unis : les indo-pakistanais. Car si My Beautiful Laundrette de Stephen Frears avait mis un coup de pied dans la machine à laver conservatrice en 1985, les décennies suivantes se sont retrouvées avec des acteurs anglais talentueux mais bien proprets, qui s’alternaient sur les affiches. Le trio de tête ?  Hugh Grant, Colin Firth, Jude Law pour les hommes, et Emma Thompson, Helena Bonham Carter et Keira Knightley pour les femmes. Mais, depuis l’ère #MeToo et les revendications des minorités, le cinéma se met (enfin !) au diapason d’une société en plein bouleversement : En 2018, Bohemian Rhapsody de Brian Singer, revenait sur la vie de Freddie Mercury en mettant l’accent sur son enfance dans une famille indienne ; Yesterday, l’uchronie de Danny Boyle, sortie en juillet dernier, met en scène Himesh Patel, dans une comédie romantique sur fond des Beatles, sans jamais que les origines du héros ne soient mises en avant. Enfin, la nouvelle série de Mindy Kalling, un remake de Quatre mariages et un enterrement, remplace les acteurs de l’époque par une afro-américaine et un pakistanais. Exit Hugh Grant, le rôle de Charles est tenu par un acteur indien, Nikesh Patel.

Il fait de Bruce Springsteen, un américain pure souche,
son philosophe préféré

Last night the DJ save my life

Et même si tous ses films ne sont pas exempts de défauts, ils participent comme Music of my life à cette rébellion cinématographique. Ici, il est question d’amour, de misère sociale, d’influence musicale (la BO regroupe les chansons cultes des années 70-80) et de détermination. Une vie à la Billy Elliott, à une exception près : tout cela est vue à travers les yeux d’un jeune ado d’origines pakistanaises. Adaptation du roman autobiographique « Greetings from Bury Park » du journaliste Sarfraz Manzoor (qui a aussi collaboré au scénario), le film dépeint son quotidien de l’époque, avec un réalisme implacable. Un père qui vient de perdre son emploi (trop vieux, et sans doute trop basané), une mère qui se tue au travail et coud les vêtements. Alors que la famille subit le racisme, les tags, les crachats au visage des Skinheads du coin. Mais Music of my life réussit là où d’autres ont échoué. Ici, point de : « méchants roux contre les pauvres pakistanais », car la réalisatrice, d’origines indiennes elle-aussi, dénonce le traditionalisme de ses origines, comme elle l’avait fait dans Joue-la comme Beckham (2002).

Alors que le père renie tout ce qui concerne son pays d’adoption, Javed, son fils, en prend le contre-pied. Il sort avec une anglaise (un peu punk et très politisée), écrit des chansons pour son meilleur ami (new wave tendance brushing), et fait de Bruce Springsteen, un américain pure souche, son philosophe préféré (le film était d’ailleurs présenté au Festival de Deauville malgré ses origines anglaises). À travers ses chansons, l’adolescent cherche donc à trouver le juste équilibre face aux deux univers antithétiques entre lesquels il est coincé (symbolisé par cette scène où, quittant le mariage de sa sœur, en tenue traditionnelle, il part acheter des places pour le concert de Springsteen). C’est donc grâce à une musique qui n’a rien à voir avec leurs origines (Springsteen ici, Les Beatles dans Yesterday et le rock dans Bohemian Rhapsody) que les personnages assument paradoxalement ce qu’ils sont. Dans le film et dans la vie, Javed/Sarfraz Manzoor devient journaliste… et dénonce l’oppression envers les minorités. Et ça, c’est rock !

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