L’héritage des 500 000

Chasse au trésor

Cult. L’unique film de Toshiro Mifune, l’acteur fétiche de Kurosawa, est un thriller efficace qui se change peu à peu en fable morale. Une rareté jamais revue depuis sa sortie en 1963.

Par Michael Patin

Temps de lecture 3 min.

L’héritage des 500000

de Toshiro Mifune

Bande Annonce

On peut se demander s’il est bien raisonnable de lancer un cycle Akira Kurosawa/Toshiro Mifune (11 films restaurés sur leurs 16 collaborations) juste deux ans après l’énorme rétrospective consacrée au cinéaste japonais. Mais voilà : au-delà des chefs d’œuvre qu’on peut voir et revoir sans épuiser leur substance (de Yojimbo à Barberousse), ce nouveau programme a un atout dans sa manche : L’héritage des 500 000, seul film joué, produit et réalisé par Mifune au cours de sa carrière. Une rareté absolue, invisible depuis sa sortie en 1963.

Une rareté jamais revue
depuis sa sortie
en 1963.

À la reddition du Japon en 1945, le commandant Matsuo quitte les Philippines après avoir enterré un trésor de guerre. Vingt ans plus tard, un homme d’affaires retrouve sa trace et le contraint de partir à la recherche du butin, accompagné de quatre hommes de main. Tous les ingrédients d’un film d’aventure classique sont réunis : un trésor mythique, un héros sans reproche, des mercenaires teigneux, quelques espions à leurs trousse, une tribu de sauvages, et les dangers de la jungle et des montagnes philippines. En surface, le film remplit consciencieusement sa mission de spectacle, avec une prédilection pour les scènes en extérieur qui l’élèvent déjà au-dessus d’une simple série B.

Précise et épurée, la mise en scène de Mifune ne laisse rien paraître de son statut de débutant, sans doute parce qu’il s’inspire, en toute modestie, du cinéaste qu’il connaît le mieux : Kurosawa. Lequel l’a d’ailleurs aidé pour le montage et lui a “prêté” quelques membres-clés de son équipe : le scénariste Ryuzu Kikushima, le chef opérateur Takao Saito et le compositeur Masaru Sato. Difficile de se tromper avec une telle dream team : le noir et blanc est tranchant, le découpage limpide, et le thème musical du film – quelques accords de guitares aériens – nimbe l’ensemble d’une mélancolie persistante.

À l’image de son maître et ami, Mifune profite surtout du cadre balisé du film de genre pour exprimer ses préoccupations d’auteur. Sous le vernis du suspense, c’est une critique de la violence et de l’avidité qui se développe de manière de plus en plus explicite à mesure que les personnages s’enlisent dans leur quête. Si les 500 000 du titre font référence au nombre de pièces d’or enfouies, c’est aussi celui des soldats japonais morts au combat pendant la seconde guerre mondiale – et donc une référence limpide pour le public nippon. De cette analogie découle la symbolique du film : il n’y a qu’une seule arme pour les cinq hommes, de même qu’il n’y a qu’un seul butin. Qui les détient, et ce qu’il en fait, devient l’enjeu de cette fable morale qui oscille jusqu’au bout entre ombre et lumière.

  • Toshiro Mifune
  • Akira Kurosawa

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