Les frères Sisters

Il était une fois en Californie

Film. Les Frères Sisters de Jacques Audiard, primé à Venise et sélectionné 9 fois aux Césars, parvient à réinventer les règles du Western. Époustouflant !

Temps de lecture 3min

 Par Jacques Braunstein

Beaucoup de westerns tardifs, de La trilogie du Dollar de Sergio Leone aux La Porte du paradis de Michael Cimino, racontent l’avidité qui a construit les Etats-Unis. Les Frères Sisters n’échappe pas à la règle. Deux tueurs à gage, deux frères : Charlie Sisters (Joaquin Phoenix) et Eli Sisters (John C. Reilly) se lancent sur la piste d’un chimiste (Riz Ahmed). Celui-ci détient une formule qui permet de trouver de l’or sans draguer des tonnes de cailloux… Ils sont précédés par un détective dandy et érudit (Jake Gyllenhaal). Mais rien ne va se passer comme prévu. Les protagonistes vont sympathiser et envisager de vivre ensemble entre « bromance » et utopie fouriériste.

Ce récit hors norme permet au film d’éviter les clichés du western ou plutôt de les expédier sans autre forme de procès. Les paysages majestueux sont traversés au galop. Alors que les gunfight sont shootés en quelques plans, signalés par des éclaires dans le noir, ou vus de loin à travers une fenêtre sale. A quoi bon faire monter le suspens puisque les « Sisters Brothers » en sortent toujours vainqueurs, c’est leur destin, et leur malédiction.

La caméra s’attarde, au contraire, sur un camp de chercheur d’or, où San Francisco, la ville bouillonnante que découvrent ébahis les deux frères qui n’en ont jamais vu. Ou encore sur la bouche de John C. Reilly. Lorsqu’une araignée y pond ses œufs alors qu’il dort à la belle étoile. Lorsqu’il découvre l’usage de la brosse à dent… Le film est baigné d’un humour surréaliste et désespéré, aux antipodes des punchlines grinçantes de Tarantino. Tout comme sa violence n’est jamais là où on l’attend.

Le réalisateur français Jacques Audiard (Dheepan, Un Prophète, De battre mon cœur s’est arrêté…) et son scénariste habituel (Thomas Bideguin) essayent de montrer à plus près cette époque mal connue. Nous sommes en 1851, vingt ans avant l’âge classique du western.

C’est John C.Reilly, grand acteur au parcours éclectique (Frangins malgré eux, Carnage, The Lobster…) qui a découvert le livre de Patrick deWitt dont le film est adapté. C’est lui qui a convaincu le cinéaste dont il est fan. Reilly est d’ailleurs co-producteur du film et tient  le rôle d’Eli Sisters, qui est un véhicule parfait pour l’Oscar. Un rôle tout en demi-teinte alors que celui de son frère, desperados flamboyant, est plus convenu. Eli aimerait changer de métier, mais est obligé de continuer pour protéger ce petit frère alcoolique et suicidaire.  Ce personnage de héros très discret véhicule toute la mythologie du western à laquelle le film fait constamment mine de tourner le dos. Paradoxal et élégant !

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