L’île aux chiens

Royal Canin

Film. Dix ans après le Fantastique Mr Fox, Wes Anderson nous convie dans son nouveau dessin animé en stop motion à la découverte de L’Île aux chiens dans un Japon ni tout à fait réel, ni totalement fantasmé. 

Temps de lecture 4min

Par Chloé Fournier

Qui veut noyer son chien l’accuse de la grippe… Suite à une épidémie, le maire despotique de la ville de Megasaki ordonne l’exil de tous les chiens vers une île faisant jusqu’alors office de décharge. L’Île aux chiens est une fable sur le retour à un l’hostile état de nature. Le film poursuit le discret et élégant engagement politique de Wes Anderson. En 2014, il évoquait le nazisme dans Grand Budapest Hotel alors qu’ici les chiens en rétention résonnent avec les migrants parqués dans d’insalubres camps d’infortune sur les îles de Lampedusa ou Lesbos.

“L’Île aux chiens est une fable sur le retour à un hostile état de nature.”

Cette nouvelle expérience de l’animation pour Wes Anderson, presque dix ans après Fantastic Mr. Fox (2009), est parsemée de citations de ses précédents films. Les transports aériens par tyroliennes plus ou moins contrôlables pour passer d’un monde à l’autre comme dans Grand Budapest Hotel, une volonté de validation démocratique par vote collectif qui rappelle le personnage d’Owen Wilson dans Darjeeling Limited… Mais le film évoque également abondement d’autres cinémas que le sien. Multipliant les hommages au maître de l’animation Miyazaki ainsi qu’à Akira Kurosawa, deux figures tutélaires du cinéma Nippon… Plus inattendu, lorsque les deux clans de chiens, errants et domestiques, se font face en s’approchant mutuellement à pas souples, on pense aux gangs ennemis de West Side Story.

Dans L’île aux chiens, la distinction entre humains et canidés ne prend jamais la forme d’une hiérarchie au sommet de laquelle se tiendrait l’homme sur ses deux jambes.

Le chien n’est pas par définition inférieur à l’être humain, il est différent, et c’est de cette différence qu’il est coupable. La civilisation des hommes ne s’oppose pas à l’animalité des canins, chaque groupe a sa propre culture, son langage et ses codes, même s’ils sont voués à l’incompréhension mutuelle et à la mésentente. C’est le génie de Wes Anderson : dotant les chiens d’un langage familier à notre oreille (l’anglais en version originale et le français pour la VF), il place le spectateur en position de solidarité avec eux. À l’inverse, les êtres humains de L’île aux chiens s’expriment exclusivement en japonais et leur discours n’est jamais que rapporté par une traductrice ou une correspondante américaine. Le personnage principal, un jeune garçon de 12 ans, neveu du maire venu sur l’île pour retrouver son chien n’est pas non plus traduit. Seuls ses gestes et de ses intonations établissent un pacte de non hostilité avec les chiens, qui le surnomment « petit pilote » suite à sa rocambolesque arrivée en avion. Au-delà de ses impressionnantes performances techniques, c’est probablement cette imperturbable foi en la capacité des êtres à s’entendre et à s’aimer qui caractérise L’île aux chiens. Un film qui nous rappelle qu’animation provient du latin anima, l’âme.

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