Jeune & Golri primée à Séries Mania

À Séries Mania, le sacre du stand up frenchie

Lauréate du prix de la meilleure série française au Festival Séries Mania, qui s’est achevé hier soir à Lille, Jeune & Golri, co-créée et interprétée par la stand-uppeuse Agnès Hurstel, marque la consécration chez nous d’un genre venu d’Outre-Atlantique. On fait le point sur la tendance.

3 septembre 2021
Temps de lecture 5 min

Aux  États-Unis, on ne compte plus les séries sur le stand up, qu’elles soient initiées par des performers eux-mêmes ou dépeignent de l’extérieur ce milieu bien particulier. Dans la patrie d’origine de ce sport très physique, qui consiste à monter sur une scène les mains dans les poches pour se mettre à nu en balançant sa vie au public (le tout en essayant d’être drôle), le stand up, depuis longtemps, se remet en scène dans la fiction, souvent pour y révéler ses coulisses, sa part la plus douloureuse. Au cinéma, en 1974, c’est Bob Fosse qui plonge dans les gouffres autodestructeurs du légendaire Lenny Bruce (Dustin Hoffman), préfigurant les scènes de stand up-suicide récemment vues dans Annette, de Leos Carax ; ou bien Martin Scorsese qui met en images, en 1982, la parano d’un aspirant humoriste joué par de Niro dans La Valse des Pantins (matrice du Joker de Christopher Nolan). Pour parler du stand up, cet art de la vanne pétri de narcissisme malade et de tourments intérieurs, il faut apparemment en passer par le drame. Et même quand une comédie télé – et quelle comédie, sans doute la plus drôle du monde ! –, Seinfeld (1989), adopte les codes de la sitcom pour narrer la vie de Jerry Seinfeld, entrecoupée de vrais sets du génial stand-uppeur, c’est aussi pour pointer les absurdités de l’existence.

Achevée en 1998, cette série culte a créé un sous-genre : la série de stand up autofictionnelle, relancée en 2010 par un autre chef-d’œuvre, Louie, où le roi du Comedy Cellar (mythique club de stand up new-yorkais) Louis C.K. explorait les recoins les plus crapoteux de sa vie de comédien divorcé, entre moments sur scène anthologiques et misère affective et sexuelle en backstage. Dans son sillage, la série sur le stand up ou créée par un comédien/comédienne de stand up est devenue une tendance forte ces dix dernières années.

Dans certains cas, le stand up n’est pas mis en scène à proprement parlé mais son esprit cinglant et légèrement égomaniaque plane sur l’écriture et l’humour de la série, comme dans One Mississippi, de Tig Notaro ; Broad City, d’Ilana Glazer et Abbi Jacobson, ou encore This Way Up, de l’Irlandaise Aisling Bea (encore une histoire de dépression !). D’autres fois, l’approche est plus ethnologique, tendance soap-opera : un scénariste romance le petit milieu du stand, comme dans la réjouissante The Marvelous Mrs Maisel, sur une épouse modèle qui devient pionnière du genre dans les années 50 ; ou encore I’m Dying Up Here, produite par Jim Carrey, sur la scène de Los Angeles dans les années 70.

Et en France ? Alors que le Jamel Comedy Club existe depuis quinze ans et que le stand up a déjà ses stars chez nous, de Blanche Gardin à Fary ou Guillermo Guiz, la fiction a mis du temps à s’en emparer vraiment. De ce point de vue-là, Jeune & Golri et son prix de la meilleure série française à Séries Mania marquent un précédent. Co-créée par Agnès Hurstel, cette fille de trente ans qui parle de cul comme de la météo sur France Inter ou sur la scène du théâtre du Rond-Point (voir son spectacle Agnès Hurstel, avec ma bouche, en 2017), la série s’inscrit plutôt dans la lignée de Seinfeld et Louie, en ce qu’elle parvient à combiner la mise en scène du stand up lui-même, et la chronique de la vie privée douce-amère de son personnage principal.

Avec un ton à la fois doux et cru, teinté d’enfance, qui n’appartient qu’à elle, la jeune femme campe Prune, une stand-uppeuse de 25 ans qui tombe amoureuse d’un quadra avec enfant et doit transitionner vers le rôle de belle-mère – avec la tentation de tout crasher en vampirisant son expérience au profit d’une bonne vanne. Avec une légèreté bien dosée, la série montre ce qu’il y a de cathartique, de dangereux et de transgressif à monter sur une scène pour dire la vérité, surtout quand on est une femme. Cette réussite ouvre une brèche. D’ailleurs Séries Mania était aussi l’occasion pour l’ex-showrunneuse de Dix Pour Cent, Fanny Herrero, de présenter sa prochaine série, Drôle, attendue en 2022… une chronique du milieu du stand up parisien, co-écrite avec la comédienne Shirley Souagnon. À quand une série écrite à quatre mains par Blanche Gardin et Louis C.K. ?

Jeune & Golri est actuellement disponible sur OCS

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