Her Smell – Punk·e

Drame punk 90, le nouveau film d’Alex Ross Perry est porté par Elisabeth Moss, dont le rôle de rockeuse psycho fait vaguement écho à une Courtney Love camée et déjantée. Retour sur une expérience cinématographique ambivalente.

Par Garance Lunven

Temps de lecture 3 min.

Her Smell

Bande Annonce

Cette année, la tendance est aux films musicaux. En témoignent les décevants Bohemian Rhapsody, Rocketman, ou Yesterday. Des fictions et biopics qui célèbrent le mythe de l’artiste sacrifié sur l’autel du rock… Ceux qui montrent le retour à l’anonymat, en revanche, sont beaucoup moins nombreux. Her Smell fait ce pari d’évoquer la déchéance puis la renaissance de Becky Something, interprétée par Elisabeth Moss (The Handmaid’s Tale, Mad Men)

Chanteuse du girl band fictif Something She, superstar du grunge des années 90, connue pour ses multiples frasques qui finissent par faire dérailler la tournée de son groupe. Elle est à court d’inspiration et compense sa médiocrité artistique en jouant les tyrans. Mère irresponsable, junkie, bipolaire sur les bords, Becky collectionne les vices comme d’autres les timbres. Difficile d’avoir de l’empathie pour ce personnage qui passe son temps à hurler et à embrasser les caméras… Comme Courtney Love, elle n’est pas de ces idoles que les ados placardent sur les murs de leur chambre. Pas assez lisse. On reprochait d’ailleurs à la copine de Kurt Cobain ses dérapages, alors même qu’on glorifiait le chanteur de Nirvana, Jimi Hendrix ou Jim Morrisson pour les mêmes raisons. A bien y regarder, c’est pourtant elle qui a survécu et eux que la came a enterré six pieds sous terre… Alors, qui est le plus rock’n’roll ? Becky fait aussi aussi partie de ce club de punks-féministes qui ont flirté avec la mort sans succomber. Tentation et angoisse qui virent à l’obsession quand elle se persuade que sa fille causera sa perte et agresse physiquement Ali, la batteuse de son groupe.

Becky n’est pas de ces idoles que les ados
placardent sur les murs de leur chambre

Larsen & rehab
Au bout de presque une heure de hurlements hystériques, on en déduit que le jeune réalisateur new-yorkais Alex Ross Perry (dont c’est le troisième film avec Elisabeth Moss) a pris le parti de mettre en scène un personnage antipathique. Le film en devient volontairement inconfortable, voire étouffant. Des mouvements de caméra effrénés et des scènes en huis-clos alliés à un travail minutieux sur le son nous donnent envie de débrancher les enceintes tant nos tympans souffrent des longues et pénibles minutes de larsen imposées par le réalisateur. Sans parler des scènes éreintantes d’incantations semi-bouddhistes, semi-New Age qui donnent une coloration pseudo ésotérique au long-métrage et dont on se serait volontiers passé.

Pourtant ce film, entrecoupé de fausses images d’archives, évolue peu à peu vers un cadre moins anxiogène, qui traduit le retour à la sobriété de l’artiste. Un peu à la manière d’une pièce de théâtre découpée en actes et dont le schéma narratif serait inversé. Sur le plan plastique, Her Smell offre donc une vision ultra-esthétisée du rock’n’roll servie par une galerie de second rôles à l’image sulfureuse (Cara Delevingne, Agyness Deyn, Amber Heard…). Un méta-discours amusant qui contrebalance la légère impression de déjà-vu.

Piercings & bottes de cuir
D’autant qu’on compte sur les doigts de la main ceux et celles qui ont pris en compte que le mythe du rockeur s’incarne aussi au féminin. Sans remonter à The Rose (1979), inspiré de la vie de Janis Joplin (qui valu un Golden Globe à Bette Midler), citons le biopic vibrant et électrisant des The Runaways (Floria Sigismondi, 2010) qui s’attache à l’histoire d’amour entre Joan Jett et Cherie Currie. Ou encore Nico, 1988 de Susanna Nicchiarelli, un film sensible sur les dernières années de l’égérie de la Factory. Et Ricki and the Flash (2015), performance de Meryl Streep, à contre-emploi en rockeuse sans succès. Et si tout bon film rock qui se respecte allie trois ingrédients : des combinaisons en cuir, de la défonce et des guitares électriques… Her Smell a de quoi régaler celles et ceux qui sont à la recherche d’une bonne dose d’anti-héroïne.

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