First man

Dépression et des astres

Film. Loin de l’épopée spatiale attendue, First Man décrit la difficile et longue et marche de Neil Armstrong vers la Lune. Explications.

Temps de lecture 3min

Par Jacques Braunstein

Bien sûr, il y a 2001, l’Odyssée de l’espace, prélude métaphysique aux noces de l’aventure spatiale et du cinéma. Puis, le space opera s’est décliné en genre pop culturel puisant dans les codes des genres qui l’avaient précédé sur terre : film de guerre (Star Wars), film d’horreur (Alien) ou même western (Outland). La donne a changé avec Gravity et Interstellar, qui rappelaient que la conquête spatiale pouvait être un sujet sérieux. Aujourd’hui Damian Chazelle lance une nouvelle fusée dans cette direction avec First Man qui s’attache à la figure de Neil Armstrong, premier homme a avoir posé le pied sur la lune en 1969.

First man n’est pas un film sympathique, c’est l’histoire d’un astronaute quasi mutique

First man n’est pas un film sympathique, c’est l’histoire d’un astronaute quasi mutique (Ryan Gosling au top de la Ryan Gosling attitude), brisé par la mort de sa fille et toujours au bord de la dépression. Un homme qui dispose d’un sang froid dans les situations extrêmes inversement proportionnel à son attachement à la vie. La manière dont le réalisateur choisit de nous le montrer est tout aussi sèche que son personnage. De l’espace, le spectateur devra se contenter de voir ce que l’astronaute perçoit par le minuscule hublot de sa capsule. Et quand, enfin, l’horizon s’élargit après qu’il ait aluni, le réalisateur zappe le planté du drapeau (acmé patriotique dont l’absence choque les américains), et montre que la seule activité disponible dans la région est de rebondir mollement d’un rocher à l’autre.

Dans First Man, aller sur la lune semble pénible, chaque décollage s’accompagne de vibrations désagréables et de bruits métalliques qui emplissent tout l’espace. Le film évoque plus le huis clos mortifère entre l’élève et son professeur de Wiplash – premier film de Chazelle – que les couleurs acidulées de La la Land. Et encore se souvient-on que le précédent film signé par le franco-américain avec Gosling n’était pas non plus un conte de fée, mais l’histoire d’un amour foudroyé par l’ambition.

Si le propre des grands réalisateurs est de balader leurs obsessions d’un genre à l’autre sans se dédire ou se répéter, Chazelle en est un. La solitude, l’incommunicabilité, les difficultés de l’apprentissage, et le peu de satisfaction que procure la réussite sont une nouvelle fois au centre de First Man. Film qui, accessoirement, nous console de ne pas être devenus astronaute.

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