Double vies

Deux garçons, trois filles, combien de possibilités ?

Film. Fable sur la culture et le numérique Double Vies d’Olivier Assayas est bien plus que le marivaudage parisien qu’il feint d’être. Explications.

Temps de lecture 3min

Par Quentin Moyon

Doubles Vies nous plonge dans le quotidien d’Alain (Guillaume Canet), éditeur de succès littéraires rentables et de sa femme Selena (Juliette Binoche) actrice de théâtre et — à contre-cœur — de télévision. Ils ont pour meilleurs amis Léonard (Vincent Macaigne), écrivain éculé qui tâche tant bien que mal de mettre sur papier ses histoires personnelles et sa femme Valérie (premier grand rôle pour la comique Nora Hamzawi), militante politique.

Alain est l’éditeur de Léonard, et leur groupe se compose finalement de producteurs et de gestionnaires de contenus, dont les relations peinent à se sortir de schèmes battus et rebattus. L’arrivée de Laure (Christa Theret qui a bien grandi depuis LOL) comme « développementaliste digitale » de la maison d’Alain ajoute une pièce de trop à cette mécanique, et c’est la panne. Alain refuse d’éditer le nouveau livre de Léonard et les couples se défont pour se recomposer autrement.

“Assayas en observateur d’une multitude d’affections et de relations pleinement humaines : rencontres et ruptures, aspirations et rancune, tendresse et jalousie.

L’art, l’éditeur et la dialectique
Hommage à L’arbre, le maire et la médiathèque (1993) d’Éric Rohmer, le film montre l’affrontement de deux réalités, deux visions : le Vieux Monde du papier et des livres et le Nouveau Royaume du digital et des e-book. On retrouve alors tout le savoir-faire d’Oliver Assayas qui avec esprit et subtilité évite de décrire un combat manichéen. Il se place davantage en tant qu’observateur d’une multitude d’affections et de relations pleinement humaines : rencontres et ruptures, aspirations et rancune, tendresse et jalousie.

Le film éminemment dialectique cherche à dépasser l’opposition qui le constitue. « Il faut que tout change pour que rien ne change » affirme Guillaume Canet, habile référence au Guépard de Visconti sur laquelle se construit le récit qui moque pareillement le conservatisme intellectuel du Vieux Monde que la superficialité du Nouveau. Il n’est d’ailleurs pas interdit d’y voir les réflexions du cinéaste sur son métier à l’heure de Netflix.

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