Chanson Douce – La main sur le berceau

Adapter un roman, c’est déjà un sacré challenge.
Mais quand il s’agit d’un Goncourt, c’est une autre paire de manches
que Lucie Borleteau ne relève pas tout à fait.

Par Perrine Quennesson

Temps de lecture 3 min.

Chanson Douce

Bande-Annonce

Après son très beau portrait d’une femme en quête de liberté dans Fidelio, l’odyssée d’Alice, Lucie Borleteau était plutôt attendue pour son deuxième long métrage. Et quel pari de se lancer dans l’adaptation de Chanson douce de Leïla Slimani, prix Goncourt 2016, qui raconte le basculement d’une nounou, à priori bien sous tout rapport, vers le crime le plus sordide.

Si, dans quelques scènes, l’aspect social pointe,
la réalisatrice lui préfère la mécanique du film d’horreur.

Le film prend d’emblé le contrepied du livre en ne commençant pas par le crime en question, et il n’en prend pas l’angle non plus. Dans son roman, Leïla Slimani décrivait un basculement induit par une violence sociale, une rencontre impitoyable entre l’existence de Louise (Karine Viard) menée dans la privation et l’abnégation et celle de Myriam (Leila Bekhti) en quête d’affirmation et d’indépendance. Un clash entre un prolétariat angoissé et susceptible et une classe moyenne parisienne ricaneuse et inconséquente. Mais dans son film, Lucie Borleteau semble laisser de côté cette opposition et le drame qui en découle dans l’appartement du 10e arrondissement où se déroule cette histoire. Si, dans quelques scènes, l’aspect social pointe, la réalisatrice et son co-scénariste, Jérémie Elkaïm, lui préfère la mécanique du film d’horreur sans y plonger complétement. D’emblée, Louise, la nounou, est présentée comme une figure inquiétante qui pénètre chez Myriam et Paul parce qu’elle y a été invitée, comme un vampire. De là, Chanson douce semble prendre la forme d’un « home invasion » qui ne peut que mal tourner. Mais en rendant Louise immédiatement maléfique, le long métrage passe à côté d’une profondeur et d’une étrangeté bien plus dérangeante encore… Dans le livre, le basculement est progressif, presque imperceptible, et provoque une angoisse bien plus sourde et bien plus violente car semblant éluctable. Si le film, lui, ne commence pas par le meurtre, il condamne tout de même déjà Louise, sans que l’on ne sache trop pourquoi.

Reste le talent des acteurs et en particulier celui de Karin Viard. Si elle cabotine par moments, exagérant cette inquiétante étrangeté qu’elle dégage, elle n’en est pas moins fascinante de gêne dans les scènes qu’elle a avec les enfants, le malaise s’installe à voir un adulte jouer avec autant d’ardeur et d’absence de pudeur que les plus petits.

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