Braquer Poitiers – La vie de château

Film désarçonnant que celui de Claude Schmitz, auquel il ne faut pas avoir peur de laisser son temps. Pour poser avec lui son regard sur Poitiers et ses bras cassés. 

Par Perrine Quennesson

Temps de lecture 3 min.

Braquer Poitiers

Bande Annonce

Il était une fois un moyen métrage : Braquer Poitiers. Claude Schmitz l’a réalisé après avoir rencontré Wilfrid Arneuille lors du tournage de son précédent film : Rien sauf l’été. L’homme trainait par là, sur cette plage de Belgique et avait fini par figurer dans ce court métrage. Mais il avait un truc que le réalisateur avait repéré de suite. Surtout il a proposé de tourner le prochain chez lui, dans sa propriété de presque châtelain. Claude Schmitz était partant à condition que Wilfrid produise le film et en joue le rôle principal. De là, avec un synopsis tenant sur un bout de serviette en papier, Schmitz et son équipe sont allés à Poitiers, inventant le film au fur et à mesure du tournage.
Mais de quoi ça parle alors ? Thomas et Francis, deux malfrats au croisement des Pieds Nickelés et du Joe Bar Team, braquent Wilfrid, propriétaire d’un ensemble de carwash et d’un manoir. Contre toute attente, celui-ci se révèle ravi de cette compagnie qui égaye sa vie solitaire, et les autorise à piquer dans la caisse. Bientôt, Hélène et Lucie, deux copines du Sud, les rejoignent pour profiter de l’été à Poitiers. 

La plupart sont des acteurs non-professionnels
qui s’éloignent assez peu de
ce qu’ils sont vraiment

Principalement composé de plans fixes de moments de vie comme volés sur l’instant, l’histoire très décousue importe peu. Braquer Poitiers, c’est attaquer la ville, évidemment, mais surtout pointer son regard sur cette ville. Mais sur quoi plus précisément ? Ses personnages. La plupart sont des acteurs non-professionnels qui s’éloignent assez peu de ce qu’ils sont vraiment. Quelque part entre Des messieurs trop tranquilles de Georges Lautner ou L’enlevement de Michel Houellebecq et sa suite Thalasso de Guillaume Nicloux. C’est clichés contre clichés, ploucs belges contre cagoles contre bourgeois déconnectés… Qui font surgir une sorte de vérité absolue. Cette vérité ce serait avant tout le besoin de communauté, la nécessité de créer des liens, de constituer un groupe, envers et contre tout. Même si, comme ici, les conditions ne sont pas idéales. Une sorte de syndrome de Stockholm souhaité jusqu’au moment où le vernis craque et que l’individu reprend le dessus sur le groupe. Dommage que la dernière partie, rajoutée au moyen métrage initial d’une heure, paraisse une excroissance… Un peu forcée, pas vraiment nécessaire, elle enlève un peu du charme de cette fiction réaliste ou de ce réel fictionnalisé. On ne sait plus. Surtout, Braquer Poitiers est l’occasion de rencontrer Wilfrid, vrai perché et faux naïf, véritable pierre angulaire de cette œuvre à l’inspiration très rohmerienne. Et de réviser son Jacques Brel. 

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