1917 – La Caméra explore le temps

Près de 15 ans après Jarhead, Sam Mendes retourne sur le front
mais quitte la frustration de la Guerre du Golfe pour l’angoisse
des tranchées de la Grande Guerre dans un tour de force visuel. Explications

Par Perrine Quennesson

Temps de lecture 10 min

1917

Bande Annonce

Wow. C’est la première onomatopée qui vient quand on sort du tourbillon 1917. A partir du moment où nos héros Blake et Schofield se lèvent et se dirigent vers la mission périlleuse qui les attend, la caméra ne les lâche plus, leur emboitant tantôt le pas, essayant désespérément de suivre leur course folle, les devançant parfois, se retournant pour mieux voir l’innocence quitter leurs visages. Car dans ce faux plan séquence de près de 2h, Sam Mendes (Skyfall, American Beauty…), soutenu par l’image sublime de Roger Deakins (Sicario, True Grit…), nous entraine dans l’horreur de la Grande Guerre en suivant deux jeunes soldats chargés d’empêcher une division britannique de tomber dans le piège de l’armée allemande et ainsi sauver un maximum des 1 600 vies envoyées au casse-pipe ce jour-là. Pour cela, ils devront traverser des no-man’s land, des lignes ennemis, des villes en feux et des campagnes bien trop découvertes.

Véritable roller-coaster de l’angoisse, le film réveille des instincts primaires d’animal traqué chez son spectateur. Mais cette recherche permanente de l’immersion, renforcée par la fluidité visuelle de la caméra de Deakins, ne s’interdit pas pour autant le beau et le lyrisme citant autant les tableaux de William Turner, d’Edvard Munch ou d’Andrew Wyeth que des poèmes comme « Le dormeur du val » d’Arthur Rimbaud. L’ensemble est parfaitement coordonné, telle une chorégraphie réglée au millimètre, par la superbe musique, à la fois mélancolique et intense, de Thomas Newman.

Un voyage initiatique, transformatif où chaque figure apporte une leçon de vie et d’actorat.

En contre point de Jarhead que Sam Mendes avait réalisé en 2006, où l’ennui et l’attente torturaient le mental des soldats, 1917, lui, fait la part belle à l’impossibilité du repos. A un esprit jamais tranquille, incapable de trouver l’apaisement, à ce qui-vive permanent menant à un résultat similaire à celui de l’expectative : soit une forme de folie, d’irrationalité dont la seule porte de sortie est d’exécuter l’ordre que l’on vous a confié. Pour cela, le cinéaste suit deux jeunes acteurs, le toujours parfait George McKay (For Those in Peril, Captain Fantastic) et le doux Dean-Charles Chapman (Game of Thrones, The King), aux visages peu identifiés du grand public, renforçant ainsi l’attachement d’un spectateur en quête de repères. Il va leur faire traverser les lignes ennemis et les zones de danger avec pour seules balises quelques uns des plus grands comédiens d’outre-Manche, de Colin Firth à Benedict Cumberbatch en passant par Mark Strong, Andrew Scott et Richard Madden. Un voyage initiatique, transformatif où chaque figure apporte une leçon de vie et d’actorat.

Si, en raison de son impressionnant dispositif, 1917 ne parvient pas immédiatement à émouvoir, il reste cependant un spectacle bouleversant, irrespirable et profondément marquant.

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