Chacal

Indémodable thriller 70’s

Cult. Un tueur à gages chargé d’éliminer le général De Gaulle, un suspense haletant signé Fred Zinnemann (Le Train Sifflera trois fois), une pépite seventies à redécouvrir fissa !

Temps de lecture 3min

Par Philippe Guedj

C’est un thriller un peu oublié, et c’est bien dommage. Adaptation d’un best-seller de Frédéric Forsyth paru en 1971, Chacal n’a rien perdu de sa méticuleuse efficacité, comme le rappelle sa récente réédition en version restaurée. Alors que le remake sans intérêt de 1997, avec Bruce Willis et Richard Gere, mériterait le goudron et les plumes, mais c’est une autre histoire.

2h20 de film aride et quasi-documentaire sans musique autre que diégétique

Revenons à l’original : sorti en 1973, Chacal suit la course contre la montre de la police française pour intercepter un tueur à gage british (Edward Fox) recruté pour assassiner le général De Gaulle par l’OAS (Organisation Armée Secrète) qui lui reproche l’indépendance de l’Algérie. Débutant par le bien réel attentat raté du Petit-Clamart en 1962 (le Général est sauvé par la tenue de route de sa DS, voir notre vidéo), le film bascule ensuite dans le “what if…” Et si, l’OAS avait décidé de remettre ça et de confier le boulot à un loup solitaire ? Un expert en armes et techniques d’infiltration, une gueule de gentleman capable d’endormir les soupçons et de séduire les aristos célibataires. Bref, un James Bond maléfique ici magnifiquement campé par le quasi-inconnu Ed Fox. Il fut préféré à Charlton Heston, Michael Caine et Roger Moore, qui se consolera en devenant le nouveau 007 dans Vivre et laisser mourir (1973).

Ce qui fait, encore aujourd’hui, le prix de Chacal c’est l’extraordinaire rigueur de son traitement. 2h20 de film aride et quasi-documentaire sans musique autre que diégétique. Zinnemann et son scénariste Kenneth Ross débarrassent le récit de tout gras romanesque en collant au réel. Réunions secrètes de l’OAS, conciliabules de superflics, préparatifs ultra-techniques du Chacal pour se doter de faux papiers et d’un fusil démontable et indétectable… Dans une ambiance froide et cassante, à des années lumières du Train sifflera trois fois  et de Tant qu’il y aura des hommes, Zinnemann se réinvente à 65 ans. Pour le final trépidant où le commissaire Lebel (Michael Lonsdale) traque l’assassin planqué dans un immeuble, le réalisateur a immergé ses caméras dans la foule parisienne. Profitant d’un défilé du 14 juillet et provoquant au passage une petite frayeur à certains passants croyant à un véritable attentat.

La France à bout portant
Cette soif de vraisemblance fut grandement facilitée par l’extrême précision du premier roman de Forsyth. Ex-correspondant de la BBC à Paris, familier de l’univers des barbouzes et autres flingueurs, ancien agent du MI6 (les services secrets britanniques), il fut d’ailleurs directement sollicité par Fred Zinnemann quant au choix définitif de l’interprète. Dans ses mémoires (L’outsider) il raconte que pour mieux préparer l’acteur à son rôle, il organisa une rencontre dans un bar avec un tueur à gages de sa connaissance. Contrepoint au Chacal dans le camp du bien, l’inspecteur Lebel est campé par Michael Lonsdale qui se fond parfaitement dans son personnage de fonctionnaire compétent et méticuleux. Et se révèle également crédible les armes à la main. Ce rôle impressionnera Spielberg qui, trente ans plus tard, l’embauche en mystérieux maitre espion dans Munich. Citons encore l’acteur Adrien Cayla-Legrand en De Gaulle. Habituelle doublure muette du Général que l’on le vit notamment dans L’Armée des ombres et La Carapate.

Rare concession de Chacal à la licence poétique mais artifice inévitable : l’usage de l’anglais pour les dialogues entre personnages français. Autre souci pour les pointilleux : alors que l’action est censée se dérouler entre 1962 et 1963, l’hexagone décrit par Zinnemann ressemble bien davantage à celui du tournant des seventies, le réalisateur n’ayant pas, par exemple, cherché à utiliser des modèles de voitures adéquats. Mais on ne pourra pas reprocher au film la vision caricaturale de la France façon béret/ baguette de tant de productions anglo-saxonnes. Tourné dans les rues de Paris, à la gare de Tulles et en décors naturel, Chacal est un thriller solide et carré. Le mariage réussi de l’efficacité américaine et du réalisme européen.

Chacal (The Day of the Jackal), de Fred Zinnemann (Elephant Films)

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