La Ressourcerie du cinéma

« Nous voulons tendre vers le zéro déchet. »

Fondée en 2020 par un accessoiriste de plateau à la sensibilité écologique et une consultante en gestion des déchets, la Ressourcerie du cinéma opère un système de récupération et de réutilisation des décors après les tournages. Et veut emmener l’industrie du cinéma à repenser ses pratiques.

6 janvier 2022

Temps de lecture 5 min

Les origines

L’idée est née il y a six ans à l’initiative du collectif Éco Déco, qui réunit des décorateurs de cinéma désireux de trouver des solutions plus vertueuses. Pourquoi reconstruire entièrement le décor de Versailles ou du bureau ovale à chaque nouvelle fiction sur le sujet ? Parmi les professionnels qui se posent alors la question, Jean-Roch Bonnin, accessoiriste de plateau depuis plus de 20 ans, décide de se lancer dans la création d’une ressourcerie qui permettrait de réutiliser des décors, comme il en existe déjà pour d’autres métiers d’art, mais pas dans le cinéma. Où le gaspillage est énorme. « Après un tournage, on jette tout, regrette-t-il. Au démontage, l’équipe récupère un peu, on en donne un peu à Emmaüs, et le reste part à la poubelle. » Notamment les feuilles de décor, qui servent à monter les cloisons, et sont utilisées en grande quantité. Un fonctionnement absurde aux yeux de cet écologiste convaincu, qui veut réhabiliter d’autres pratiques. « Il y a soixante ans, il y avait des équipes de construction à demeure dans les studios, qui s’occupaient de gérer les stocks pour pouvoir refaire des décors. Mais avec la surconsommation des années 80, où la matière première ne coûtait rien, on a perdu ces bonnes habitudes. » Associé à Karine d’Orlan de Polignac, spécialiste de la gestion des déchets et chineuse invétérée, Jean-Roch Bonnin élabore un business plan, et ouvre la Ressourcerie du cinéma en décembre 2020, d’abord dans un local de Bagnolet, puis dans un grand entrepôt de Montreuil.

Comment ça marche ?

Constituée de trois bénévoles, d’un salarié et de d’un stagiaire, l’équipe de la Ressourcerie collecte après démontage les éléments de décors de films, de fictions télé, de pubs ou de pièces de théâtre. Une partie est stockée à l’entrepôt et relouée pour fabriquer de nouveaux décors, tandis que le gros du matériel fait l’objet d’un réemploi dans d’autres secteurs, comme le bâtiment. « Il y a une telle quantité qu’on n’a déjà pas la place de tout stocker, donc il faut trouver d’autres moyens de sortie », explique Jen-Roch Bonnin, qui évalue, à terme, à 10 à 30% la part destinée au stock tournant. Si les professionnels du secteur sont tous en attente de solutions pour rendre leurs tournages plus respectueux de l’environnement, les vieilles habitudes ne sont pas toujours faciles à faire bouger. « Les gens sont prêts dans leurs têtes, mais entre la tête et la pratique, il y a parfois un gouffre. Beaucoup veulent mettre des choses en place, et puis face à des problématiques de temps ou économiques, ils finissent par jeter des bennes… Nous essayons de leur apporter des solutions sans emmener de contraintes. La collecte n’est pas un coût de production, puisque nous la facturons au prix de la benne que nous leur permettons d’éviter. Pour d’autres outils, comme la machine à nettoyer les outils de peinture, qui permet d’éviter les déchets d’eau souillée, il faut une vraie volonté. »

La prochaine étape

Au-delà de la réutilisation et du réemploi, la Ressourcerie du cinéma voudrait promouvoir une autre manière de travailler sur les plateaux. « Nous voulons aller vers une autonomie des ressources du cinéma et tendre vers le zéro déchet. » Une des clés de ce changement de mentalités tient dans le retour aux studios intégrés, capables de recycler leurs décors, dans une démarche de tri, de valorisation et de réemploi. « Avec les plateformes numériques, ça travaille énormément, tous les studios sont pleins, fait observer Jean-Roch Bonnin. S’il faut construire de nouveaux studios pour répondre à la demande de tournages, autant qu’ils soient pensés dans le bon sens dès le départ. » Il rêve également d’un magasin en ligne en partenariat avec d’autres ressourceries culturelles, qui référencerait tous les matériaux récupérés par les différentes structures et permettrait aux professionnels de visualiser et de réserver les éléments dont ils ont besoin. L’aventure ne fait que commencer.

La Ressourcerie du cinéma : www.laressourcerieducinema.org

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voir aussi

Disponible sur Mubi

Films
19 janvier 2021

Ham on Rye, de Tyler Taormina

Critique

Avec son premier long-métrage, Ham on Rye, le jeune réalisateur américain Tyler Taormina apporte sa pierre à la déconstruction du teen movie, et délivre un propos engagé à travers un…

Disponible sur Netflix

Films
28 janvier 2021

The Dig sur Netflix

Critique

Deuxième film du metteur en scène australien Simon Stone, plus connu pour son travail au théâtre, The Dig est une élégie grandiose, faussement corseté, qui retrace l’histoire vraie d’une découverte…